Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
CONTES ORIENTAUX

temps. Ils arrêtèrent entre eux ce mariage, et Boyruc étant de retour à Caracorum, me fit partir pour Samarcande bien accompagnée. J’obéis à mon père avec une répugnance à laquelle vous n’aviez pas peu de part ; car je l’avouerai, mon cher Couloufe, je vous aimais, quoique je ne vous l’eusse pas témoigné, et j’atteste le ciel que votre disgrâce m’a coûté bien des larmes. Mon mariage avec Taher ne vous a point banni de ma mémoire. Ce mari brutal, et d’ailleurs peu agréable de sa personne, au lieu de vous effacer n’a fait que vous y maintenir. Et comme si j’eusse prévu que l’amour ou la fortune nous rassembleraient, j’ai toujours conservé l’espérance de vous revoir. Mais mon bonheur surpasse encore mon attente, puisque je trouve mon amant dans l’époux qu’on me donne. Ô merveilleuse aventure ! à peine puis-je ajouter foi… »

XXIII

Couloufe, après ce qu’il venait d’entendre, ne pouvait plus douter qu’il ne fût avec la fille de Boyruc. « Belle Dilara, s’écria-t-il transporté d’amour et de joie, quel heureux changement ! par quel bizarre enchaînement d’aventures suis-je parvenu au comble de mes souhaits ! Quoi, c’est vous qu’on m’a fait épouser ? Vous, dont l’image charmante est gravée dans mon cœur ! vous que je croyais ne revoir jamais ! Ah ! ma princesse, si vous avez, en effet, plaint le fils d’Abdallah, si ma disgrâce vous a coûté des pleurs, partagez en ce moment la douceur des transports