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LES MILLE ET UN JOURS

du moins on aurait dû m’en faire connaître tout le prix. »

Après avoir dit ces paroles, il se tut pour entendre ce que sa femme y répondrait ; et il fut assez surpris lorsqu’au lieu de répondre à ce discours, elle dit : « Ô vous que Taher a choisi pour rétablir l’union que son humeur violente a détruite, qui que vous soyez, apprenez-moi qui vous êtes. Il me semble que le son de votre voix ne m’est point inconnu. Je ne vous écoute pas tranquillement. « Couloufe tressaillit à ces mots. « Madame, répondit-il, dites-moi vous-même quelle est votre famille ? Le son de votre voix trouble aussi mes sens. Je crois entendre une jeune dame keraïte que je connais. Juste Dieu, seriez-vous… Mais non, fit-il en se reprenant, il n’est pas possible que vous soyez la fille de Boyruc. — Ah ! Couloufe, s’écria la dame en ce moment, est-ce vous qui me parlez ? — Oui, ma reine, dit-il, c’est Couloufe lui-même, qui ne saurait croire que ce soit Dilara qu’il entend. — Soyez-en persuadé, reprit-elle, je suis cette malheureuse Dilara qui vous reçut chez elle avec le roi Mirgehan ; qui, par ses discours indiscrets, vous rendit suspect à ce prince, et que vous devez regarder comme votre plus grande ennemie, puisqu’elle est cause de votre disgrâce. — Cessez, madame, répliqua le fils d’Abdallah, cessez de vous l’imputer. Le ciel le voulait ainsi ; et bien loin de l’accuser de rigueur, je rends grâce à sa bonté d’avoir fait succéder à mon infortune un si agréable événement. Mais belle Dilara, continua t-il, comment la fille de Boyruc a-t-elle pu devenir femme de Taher ? — Je vais, dit-elle, vous l’apprendre.

Mon père, pendant son ambassade à Samarcande, était logé chez Mouzaffer, qu’il connaît depuis long