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CONTES ORIENTAUX

impétueuse, a brusqué sa femme. Elle a répondu à ses emportements par des paroles pleines de mépris et de fierté. Ce qui a si fort irrité Taher, qu’il l’a répudiée. Il s’en repentit un moment après, car c’est une jeune personne fort belle et qu’il aime passionnément ; mais les lois ne lui permettent pas de la reprendre qu’un autre homme ne l’ait auparavant épousée et répudiée. C’est pourquoi Mouzaffer souhaite que, dès aujourd’hui, tu l’épouses, que tu passes la nuit avec elle, et que, demain matin, tu la répudies. Il te donnera cinquante sequins d’or. Ne veux-tu pas bien lui faire ce plaisir-là ? — Très volontiers, répondit Couloufe ; je suis fort disposé à lui rendre ce service. Il m’a trop bien reçu pour que je refuse de faire une chose qu’il désire ; et d’ailleurs, je ne me sens aucune répugnance pour ce qu’il me propose. — Je le crois bien, répliqua Danischemend. Il y a dans cette ville beaucoup de gens qui ne demanderaient pas mieux que d’être choisis pour hullas[1] en cette occasion, quand il n’y aurait pas cinquante sequins à gagner ; car la femme de Taher est d’une beauté parfaite. Son corps est plus droit qu’un cyprès. Elle a le visage rond, les sourcils bien séparés et faits comme deux arcs, et ses regards sont autant de flèches empoisonnées. La neige n’est pas plus blanche que son teint, et sa bouche, petite et vermeille, ressemble à un bouton de rose. »

  1. Hulla. C’est ainsi qu’on nomme en Turquie celui qui épouse pour un seul jour une femme répudiée, afin de permettre à son premier mari de la reprendre légalement.