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LES MILLE ET UN JOURS

n’est pas un esclave qui est venu ici avec Couloufe, c’est le roi ! » Après avoir dit cela, elle revint trouver Mirgehan et n’osait plus s’asseoir devant lui. « Asseyez vous donc, madame, lui dit le prince, c’est à moi de me tenir debout en votre présence. Ne suis-je pas votre esclave ? Je ne me serais point assis, si, comme ma maîtresse souveraine, vous ne me l’aviez ordonné. »

La fille de Boyruc se prit à pleurer à ces paroles : « Ah ! grand monarque, dit-elle en se jetant à ses pieds, je supplie très humblement Votre Majesté d’avoir pitié de moi. Je suis une fille sans expérience, vous êtes témoin de ma faute ; daignez de grâce, me la pardonner. » Le roi releva la dame, la consola, lui dit de ne rien craindre, et lui demanda qui elle était. Elle satisfit sa curiosité ; après quoi il sortit de cette maison avec Couloufe et regagna son palais.

XXI

Les plaisanteries que Dilara avait faites à Couloufe sur Ghulendam, produisirent de tristes effets. Mirgehan soupçonna sa favorite et le fils d’Abdallah de s’aimer tous deux, et il crut que, sans avoir égard à ce qu’ils lui devaient, ils goûtaient dans son palais même les douceurs d’une heureuse intelligence. Il n’aurait tenu qu’à lui, en les faisant exactement observer l’un et l’autre, d’être persuadé bientôt de la fausseté de ses soupçons ; mais c’était un de ces jaloux qui n’écoutent que leur jalousie, et qui, se livrant aux premières impressions qu’on leur donne,