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LES MILLE ET UN JOURS

XX

Le roi fut mortifié d’entendre ainsi parler la vieille, mais Couloufe prit la parole : « Ma bonne mère, dit-il, permettez, je vous prie, que cet esclave nous suive. C’est un garçon qui a de l’esprit et d’agréables talents. Il fait des vers sur-le-champ et chante à ravir. Votre maîtresse ne sera pas fâchée que je le lui fasse voir. » La vieille ne dit plus rien. Ils marchèrent tous trois, Couloufe couvert d’un surtout de femme comme le jour précédent et Mirgehan en habit d’esclave. Ils entrèrent dans la cour, et de là dans le salon, qu’ils trouvèrent éclairé d’une infinité de bougies parfumées, qui répandaient d’agréables odeurs.

Dilara demanda au fils d’Abdallah pourquoi il s’était fait accompagner par un esclave. « Madame, lui dit-il, j’ai jugé à propos de l’amener pour vous divertir. Il est bouffon, poète et musicien. — Cela étant, lui dit-elle, qu’il soit le bienvenu. Mais, mon ami, ajouta-t-elle en s’adressant au roi, sois soumis et obéissant, et ne t’avise pas de manquer de respect à mes femmes, car tu pourrais t’en repentir. » Le prince se voyant dans la nécessité de faire le bouffon, se mit à plaisanter, et il s’en acquitta si bien que la dame dit au favori : « En vérité, Couloufe, vous avez là un garçon très plaisant et très spirituel. Je remarque même dans ses manières quelque chose de noble et de galant. Il faut qu’il nous serve d’échanson ce soir. Je me sens de l’inclination pour lui. — Puisqu’il a le bonheur de vous plaire, répondit le favori, il n’est