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et la prit de vive force. Ce fut un haut fait d’armes, car il y avait dans la ville plus de cent mille cavaliers, sans compter la foule des hommes à pied.

Après leur victoire, les vainqueurs trouvèrent une tour toute pleine d’or, d’argent et d’autres trésors qui appartenaient au calife. Jamais en aucun lieu ne furent rassemblées tant de richesses. Quand Houlagou les vit, il en fut émerveillé. Il fit amener devant lui le calife et lui dit :

— Calife, dis-moi pourquoi tu avais amassé si grand trésor ? Qu’en comptais-tu faire ? Ne savais-tu pas que j’étais ton ennemi et que je venais avec une grande armée pour t’enlever ton royaume ? Pourquoi n’as-tu pas puisé dans tes richesses afin de payer des chevaliers et des hommes d’armes qui t’eussent défendu, toi et ta ville ?

Le calife ne sut que répondre et garda le silence. Alors Houlagou lui dit : « Or ça, calife, puisque tu as amassé un tel trésor, je veux que tu manges ce qui t’appartient. »

Il le fit donc enfermer dans la tour du trésor, défendant qu’on lui donnât rien à manger ni à boire. « Calife, lui dit-il, mange de ton trésor autant que tu voudras, puisqu’il te plaisait tant, car jamais tu ne mangeras autre chose ».

Le calife vécut ainsi quatre jours et, mourut misérablement. Certes mieux eût valu pour lui qu’il eût partagé son trésor entre des soldats qui eussent défendu sa personne et son royaume. Depuis sa mort, il n’existe plus de calife, ni à Bagdad, ni ailleurs.