Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

six milles. Ils couvrent de la sorte une vaste étendue de mer et tous les navires marchands qui passent, ils s’en emparent. Sur le rivage, dès qu’une voile est signalée en mer, ils allument des feux pour lui faire signe d’aborder. Ils rançonnent les marchands puis ils leur disent :

— Allez gagner d’autre argent, nous en profiterons encore un jour ou l’autre.

Mais les marchands se tiennent sur leurs gardes ; ils arment de grands navires qui ne craignent pas les pirates, sauf accident.

Dans l’île de Scoira[1], les habitants sont tous chrétiens baptisés et soumis à un archevêque. Celui-ci ne dépend pas du pape, mais du patriarche qui habite Bagdad. Dans l’île viennent des corsaires, qui y tiennent marché de ce qu’ils ont pillé. Les chrétiens n’hésitent pas à acheter leur butin, sachant bien qu’il a été ravi à des musulmans ou à des idolâtres. On trouve dans ce pays les plus puissants enchanteurs qui soient au monde. L’archevêque interdit bien aux fidèles de pratiquer l’art magique, mais ils lui répondent qu’ils ne font qu’imiter leurs ancêtres. Telle est la vertu de leurs sortilèges que, si un navire est poussé par un bon vent, ils rendent le vent contraire et forcent le navire à rebrousser chemin. Ils soulèvent à leur gré des tempêtes et accomplissent des prodiges encore plus étonnants sur lesquels il vaut mieux se taire.

  1. Sohotrah.