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daient à travers les flots de l’Océan ou les sables du désert le seul lien qui unît l’Europe à l’Extrême-Orient. L’appât du gain, qui les lançait vers les régions nouvelles, les portait aussi à garder le secret de ce qu’ils y avaient vu et des routes qu’ils avaient suivies pour y atteindre. L’ignorance où ils maintenaient les autres peuples restait le plus sûr moyen de s’assurer le monopole des marchés qu’avait découverts leur audace. Ils en défendaient l’accès par des légendes terrifiantes. Jadis, Alexandre, poussé par la double ambition de la conquête et de la science, n’a pu, malgré tout son prestige, décider ses soldats à s’enfoncer avec lui dans ces lieux redoutables. Il n’a fait qu’aborder les Indes. Elles gardent après lui tout leur secret. Plus mystérieux encore est le pays des Sères, la Chine d’où vient la soie. D’ailleurs, depuis la prédication de l’Islam, le fanatisme religieux s’est ajouté à la jalousie mercantile pour renforcer la barrière entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Les marchands arabes, qui déjà redoutaient le concurrent, repoussent maintenant l’infidèle. Comment, malgré cette double hostilité, un chrétien pourrait-il pénétrer dans ces immenses contrées peuplées d’idolâtres qui forment derrière l’Asie mahométane une masse énorme et confuse ?

Pourtant, la tentation pour les Polo est bien forte. Ils savent combien les marchandises prennent de valeur à être transportées d’un point très éloigné. S’ils pouvaient acheter aux pays d’origine les épices, la soie, les perles, les rubis, quels profits fantastiques ! Ils ont devant eux la terre magique des Mille et Une Nuits. Que