Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’autre. Ils sont recouverts d’un vernis si épais que l’eau ne les détériore pas. Le palais se monte et démonte très promptement ; on le transporte là où l’ordonne le seigneur. Quand il est tendu, plus de trois cents cordes de soie le soutiennent. Le seigneur réside tantôt dans le palais de marbre, tantôt dans celui de bambou. Il y passe les mois de juin, juillet et août. Il évite ainsi les chaleurs de l’été, car ce séjour est très frais.

Quand arrive le 28e jour d’août, il s’en va. Je vous dirai pourquoi son départ est fixé à ce jour. Il possède un haras de dix mille juments blanches, sans aucune tache. Il boit le lait de ces juments, lui et sa famille, personne d’autre n’en boit en dehors des membres d’une tribu appelée Horiad[1]. C’est Gengis-Khan qui leur accorda cet honneur en récompense d’une victoire qu’ils l’aidèrent à remporter.

Quand ces juments passent quelque part, ceux qui les rencontrent, si haut que soit leur rang, n’osent passer avant elles ; ils changent de chemin et font un détour parfois d’une demi-journée. Quand le seigneur part au 28e jour d’août, on recueille le lait de ces juments et on le jette à terre. On se livre à cette pratique, parce que les astrologues et les prêtres disent qu’il est bon que chaque année, au 28e jour d’août, ce lait soit répandu à terre, afin que la terre et l’air et les esprits qui les habitent en puissent avoir leur part. En échange, ces esprits protègeront le seigneur, ses en-

  1. Les Ourat, tribu mongole.