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Si mes ennemis s’y opposent en m’imputant d’avoir fait quelques sottises, je leur répondrai avec Fontenelle qu’il en est quelquefois de si heureuses, qu’on a bien de la peine à les regretter. Le peintre qu’il cite à ce sujet peut me servir d’excuse. Les raisins formés sous son pinceau avoient tant de naturel que les oiseaux accouroient pour les béqueter, sans être épouvantés par le petit paysan qui les portoit. Cette dernière sottise lui fut sans doute heureuse, car s’il avait donné à l’homme une stature & des traits capables de causer de l’effroi, la merveilleuse excellence des raisins auroit perdu de son mérite. Si l’on me taxe donc d’avoir fait des sottises, j’ose dire que la plupart ont fait connoître un caractère ferme, incapable de se prêter aux caprices de la fortune ou à la vanité des grands. C’est ce caractère que je soutiendrai dans tout le cours de cet ouvrage, & cette preuve de mon respect pour le public paroît m’assurer des droits sur sa bienveillance.