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à s’en écarter, plus on aquiert de droits sur l’estime publique. Je me suis proposé cette fin, lorsque, dans la seule vue de m’instruire, j’ai ramassé les matériaux que je donne au public : aurois-je moins d’égards pour l’humanité que je n’en ai eu pour moi-même ? Qu’on s’attende donc à des anecdotes singulières, à des traits que la sensibilité pourra trouver trop hardis, à une franchise qui, sans braver personne, ne fera guidée que par la vérité. En me rendant auteur, je me dois à ceux qui ont vécu avant moi, qui exigent un coup de pinceau naturel, qui leur rende leur gloire ou leur honte : à mes contemporains qui souhaitent que le vrai les éclaire, même lorsqu’ils redoutent l’éclat de son flambeau ; & à la postérité qui séduite par mon caractère pourroit adhérer à des faits mal représentés & que je n’aurois pas combattus.

Je laisse à ceux qui désapprouveront mes raisons le soin d’en chercher de meilleures ; pour moi je vois un fait, je l’examine & je l’écris sans chercher à en deviner les causes finales, qui ne sont que trop au-dessus de nos lumières : & je pense comme Cicéron qui, dans une occasion pareille, disoit : non quæro cur, quoniam quid eveniat intelligo … hoc sum contentus quod etiam si quomodo quidque