Page:Les Loisirs du chevalier d'Eon t1.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

te sur un arbre où il y a un peu de miel, il y parvient, & à peine en a-t-il goûté, que les serpens qui sont autour de l’arbre le dévorent.

Les peuples n’ont qu’une idée vague & confuse des mystères de religion, & peut-être est-il nécessaire de leur conserver cette sainte obscurité. On a toujours admis les dogmes, comme on reçoit la monnoie, sans en examiner le poids ni le titre. L’enthousiasme commence le bâtiment de la religion : mais c’est l’habileté qui doit l’achever ; beaucoup croire, peu considérer, c’est le seul moyen d’être sincèrement religieux.

La première loi que doit s’imposer celui qui traite l’histoire, c’est de ne rien publier de faux & de dire hardiment la vérité. Je n’ai point épargné mes peines, pour la tirer de l’obscurité qui la cache, & où l’intérêt & l’aigreur, suites inséparables des partis qui divisent toujours l’humanité, la tiennent le plus ordinairement captive. Après avoir reconnu cette vérité, je l’ai transmise à la postérité le plus fidèlement qu’il m’a été possible, persuadé que, quelque fut la fausse politique qui me portât à trahir sa cause, je me dégraderois moi-même. J’ai tracé les événemens avec simplicité, tant que des témoins oculaires & accrédités ne