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les lois de manou

14. De lui-même[1] il tira l’Esprit, renfermant en soi l’être et le non-être[2], et de l’Esprit il tira le sentiment du moi qui a conscience de la personnalité et qui est maître[3] ;

15. Et aussi le grand (principe)[4], l’âme, et tous les (objets) qui possèdent les trois qualités[5], et successivement les cinq organes des sens qui perçoivent les choses matérielles.

16. (Prenant) des particules subtiles de ces six (principes)[6] dont le pouvoir est illimité, (et les) combinant avec des éléments (tirés) de lui-même, il en créa tous les êtres.

17. Et parce que ces six (sortes de) particules subtiles (émanées) du corps de Brahmâ entrent (çri)[7] dans ces (créatures), les Sages ont appelé sa forme visible corps (çarîra)[8].

18. C’est ce (corps) que pénètrent les grands éléments[9] avec (leurs) fonctions, ainsi que l’Esprit par (ses) particules subtiles, lui qui perpétuellement crée tous les êtres.

  1. Toujours le double sens de âtman qui est à la fois un substantif signifiant « l’âme, le moi » et un pronom réfléchi, ipse. L. traduit ici par l’âme suprême (?)
  2. L’épithète de sadasadātmakam, déjà employée au v. 11 est obscure ; suivant B. « qui est à la fois réel et non réel ». B. H. « qui est et qui n’est pas ». L. « qui existe par sa nature et n’existe pas (pour les sens) ».
  3. Abhimantar est traduit dans le Dictionnaire de Saint-Pétersbourg par « celui qui désire ». B. H. traduit « gouverneur ». L. « moniteur ».
  4. Le grand principe, le mahat est appelé aussi l’intelligence (buddhi). Du reste on pourrait rapporter mahāntam à ātmānam, « le grand ātman ». Suivant Kull, le mahat est appelé l’âme « parce qu’il est produit par l’âme ou bien parce qu’il rend service à l’âme ».
  5. Les trois qualités sont celles qui sont énumérées au livre XII, v. 24 : sattva, la bonté, rajas la passion, et tamas l’obscurité.
  6. Ces six principes sont, suivant Kull, l’ahaṅkâra ou sentiment du moi et les cinq tanmātra ou éléments subtils qui produisent en se transformant les éléments plus grossiers, tels que l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre. Peut-être, comme le remarque B. H., ces six principes sont-ils tout simplement le manas ou sens interne combiné aux cinq grands éléments.
  7. Jeu de mots étymologique sans aucune valeur, comme tous ceux qui émaillent le texte de Manou : çri et çarîra n’ont aucun rapport.
  8. La forme visible mūrti. Je traduis par cette périphrase à défaut d’un synonyme de corps. B. H. traduit : « Comme les éléments subtils des formes corporelles de cet un dépendent de ces six, les sages… etc. ». L. : « Et parce que ces six molécules imperceptibles émanées de la substance de cet Être suprême, pour prendre une forme, se joignent à ces éléments et à ces organes des sens ».
  9. Ou tout bonnement « les éléments ».