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les lois de manou

8. Voulant tirer de son corps les diverses créatures, il produisit d’abord par la pensée[1] les eaux, et y déposa sa semence[2].

9. Cette (semence) devint un œuf d’or, aussi brillant que le soleil, dans lequel il naquit lui-même[3] (sous la forme de) Brahma, le père originel de tous les mondes[4].

10. Les eaux sont appelées Nârâs, car elles sont filles de Nara ; comme elles ont été son premier séjour (ayana), il en a pris le nom de Nârâyana[5].

11. De cette cause (première) indistincte, éternelle, renfermant en soi l’être et le non-être, est issu ce Mâle[6] connu dans le monde sous le nom de Brahma.

12. Dans cet œuf le bienheureux[7] demeura toute une année ; puis, de lui-même, par l’effort de sa seule pensée, il divisa l’œuf en deux.

13. De ces deux moitiés il fit le ciel et la terre, et entre les deux l’atmosphère, et les huit points cardinaux[8], et l’éternel séjour des eaux.

  1. Par la pensée, c’est-à-dire « rien qu’en le voulant ». — On peut aussi entendre abhidhyāya par « après avoir médité ». L. traduit : « Ayant résolu dans sa pensée de faire émaner, etc. ».
  2. Ou bien d’une façon plus générale « une semence, un germe ».
  3. Lui-même ou encore « spontanément ». Svayam fait allusion au nom de Svayaṃbhū dont Brahma est l’incarnation première. On peut aussi traduire « dans lequel naquit spontanément Brahma ».
  4. — Ou suivant L. « tous les êtres ».
  5. Explication par un jeu de mots du nom de Nārāyaṇa (qui a pour séjour les eaux). Nara, l’homme, désigne ici l’homme par excellence, le prototype de l’humanité, Brahmā. Dans les anciennes légendes théogoniques connues sous le nom de Purāṇas, ce surnom désigne ordinairement Vichnou.
  6. Ce mâle, Purusha : allusion à l’hymne Purusha attribué à Nārāyaṇa, Rig Véda, 10, 90. — Suivant les commentateurs, la cause première c’est l’Âme suprême, le Paramâtman.
  7. Terme de vénération d’un emploi fort général : il s’applique non seulement aux divinités telles que Vichnou, etc., mais aussi à des mortels ayant un caractère de sainteté. Suivant Kull, il faut entendre ici par le mot année une année de Brahmâ. Sur la durée de celle-ci cf. le v. 72 du même livre.
  8. C’est-à-dire les quatre principaux, N., E., S., O., et les quatre intermédiaires N.-E., S.-E., N.-O., S.-O.