Page:Les Lois de Manou, trad. Strehly, 1893.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
les lois de manou

3. Toi seul en effet, ô Seigneur, tu connais les effets, la vraie nature et le but de cet ordre universel (établi par) l’Être existant de lui-même[1], inconcevable et insondable. »

4. Ainsi dûment[2] interrogé par eux, Celui dont le pouvoir est sans bornes, après avoir rendu à tous ces Sages magnanimes leurs salutations, répondit : « Écoutez ! »

5. Ce (monde) était obscurité[3], inconnaissable, sans rien de distinctif, échappant au raisonnement et à la perception, comme complètement dans le sommeil.

6. Alors l’auguste Être existant par lui-même, lui qui n’est pas développé, développant cet (univers) sous la forme des grands éléments et autres[4], ayant déployé son énergie, parut pour dissiper les ténèbres.

7. Cet (Être) que l’esprit seul peut percevoir, subtil, sans parties distinctes, éternel, renfermant en soi toutes les créatures, incompréhensible, parut[5] spontanément

    des autres. Les trois premières castes sont appelées dvija, deux fois nées, c’est-à-dire régénérées par le sacrement de l’initiation. Cette qualification désigne quelquefois plus particulièrement la caste brahmanique.

  1. On peut aussi faire de Svayaṃbhuvaḥ un adjectif se rapportant à vidhānasya : le sens est alors « ce système universel existant par lui-même ». C’est ainsi que traduit Loiseleur. [Je désignerai par L. la traduction de Loiseleur, par B. celle de Bühler et par B. H. celle de Burnell et Hopkins ; par Kull, le commentaire de Kullûka.] L’Être existant par lui-même : c’est-à-dire Brahma.
  2. L’adverbe dûment peut aussi être rapporté au verbe qui signifie vénérer.
  3. Tamobhutam : « consistant en ténèbres ». Les commentateurs s’accordent à expliquer tamas par mūlaprakṛti, la nature comme cause primordiale de tout ce qui est, conformément au système Sânkhya. Ce dernier représente une des six écoles philosophiques de l’Inde et a été fondé par le sage Kapila. Sur les doctrines philosophiques des Hindous, consulter les Essais de Colebrooke.
  4. On peut aussi réunir mahâbhùtâdi à vrttaujâh et en faire un seul composé de dépendance : le sens serait alors : « Ayant déployé son énergie sur les grands éléments et les autres (principes) » — par « grands éléments » il faut entendre les cinq suivants : terre, eau, feu, air, éther.
  5. Parut « sous la forme du monde sensible ». Svayam udbabhau (que L. traduit par « déploya sa propre splendeur ») semble un jeu de mots étymologique pour expliquer Svayaṃbhū, par une confusion volontaire des racines bhā briller et bhū être.