Page:Les Lois de Manou, trad. Strehly, 1893.djvu/22

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un traité qui porte par endroits un cachet d’archaïsme incontestable. Il est plus prudent de se résigner à une indication approximative des deux termes extrêmes entre lesquels peut se placer la rédaction de notre texte, sans vouloir en déterminer la date avec une précision incompatible avec l’absence absolue de documents historiques. La plupart des arguments qu’on invoque pour obtenir un point de repère chronologique sont des arguments a silentio dont la valeur est toujours contestable. Ainsi nulle part Manou ne mentionne expressément le Bouddhisme, à moins qu’on ne veuille considérer la qualification de nâstika (négateur d’un autre monde, athée) comme spécialement dirigée contre les sectateurs de Sâkya-Mouni. Si l’on voulait tirer une conséquence de cette omission, on pourrait en conclure que le Mânava Dharma Sâstra est antérieur au Ve siècle avant J.-C. (en admettant comme date probable de la mort de Bouddha 477 avant notre ère). Mais comme le remarque M. Johoentgen (p. 84, op. cit.) : « Jusqu’au temps d’Asoka (263 avant J.-C.) les Bouddhistes constituaient seulement une des nombreuses sectes avec lesquelles les Brahmanes orthodoxes avaient à lutter. Il serait donc plus que téméraire de rejeter au Ve ou au VIe siècle avant notre ère toute œuvre de la littérature indienne qui ne mentionne pas les Bouddhistes. »

Sous sa forme actuelle le texte de Manou renferme d’assez nombreuses obscurités. Les nécessités métriques, l’obligation de renfermer chaque précepte dans les limites étroites du distique, donnent parfois à la pensée une concision embarrassante. Aussi de bonne heure ce texte a-t-il suscité dans l’Inde même de nombreux commentateurs[1].

Le plus ancien commentateur dont le nom nous soit par-

  1. Du reste l’usage des commentaires est constant dans l’Inde pour tous les ouvrages de même nature, lors même qu’ils sont d’une clarté relative.