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au IXe siècle de notre ère, et il cite fréquemment les leçons et les opinions variées de ses prédécesseurs, dont quelques-uns sont mentionnés avec la qualité de « très anciens ». Ce n’est donc pas une hypothèse trop aventurée que d’admettre avec M. Bühler que ceux qu’il désigne de la sorte devaient être antérieurs de trois ou quatre cents ans. Si donc au VIe ou Ve siècle de notre ère le texte de Manou était déjà assez obscurci[1] pour nécessiter des gloses et des commentaires, et si les interprètes ne s’accordaient plus entre eux sur le sens de certains passages, on peut en inférer sans trop de témérité que l’original lui-même remontait à une date sensiblement plus ancienne. Enfin[2] certaines mentions faites par Manou, celle des Yavanas (Iônes ou Grecs), désignant sans doute les Gréco-Bactriens, sujets des successeurs d’Alexandre, des Sakas (Scythes) et des Pahlavas, dont le nom serait une corruption de Parthavas, nom indigène des Parthes, déterminent M. Bühler, dont nous résumons ici la savante discussion, à assigner comme limite la plus haute à l’antiquité du Mânava Dharma Sâstra le troisième siècle avant notre ère. C’est donc dans une époque flottant entre 200 avant J.-C. et 200 après, que se placerait la composition du Code de Manou.

Par des arguments un peu différents, M. Burnell est arrivé à des conclusions assez analogues à celles qu’on vient d’énoncer. Toutefois il serait porté à rapprocher encore des temps modernes les limites entre lesquelles le Mânava Dharma Sâstra aurait été écrit. Il a même essayé d’en déterminer la date avec une précision plus rigoureuse ; mais les preuves

  1. Les gloses ne prouvent pas toujours que l’obscurité d’un texte résulte de son ancienneté. La concision inhérente à l’emploi du sloka les rendait nécessaires, et elles peuvent très bien avoir été contemporaines du texte.
  2. Ces arguments perdent de leur valeur si on admet la théorie des rédactions successives.