Page:Les Lois de Manou, trad. Strehly, 1893.djvu/19

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l’on n’a pas de peine à croire, comme l’atteste M. Burnell (Introd., p. xvi), que de nos jours encore l’administration judiciaire de l’Inde anglaise essaye dans ses rapports avec les indigènes de se baser sur le Code suranné de Manou, tel que l’a fait connaître au siècle dernier la traduction de Sir William Jones.

Quelle est l’époque probable de la composition du Mânava Dharma Sâstra ? Ici encore on en est réduit à des conjectures, et toutes les hypothèses que l’on peut former se ressentent de la désespérante incertitude qui règne dans toute la chronologie hindoue. Sir William Jones lui attribuait une très haute antiquité (entre 1200 et 500 avant J.-C.). Chézy et Loiseleur-Deslongchamps inclinent dans le même sens. Mais aujourd’hui il y a une tendance générale à ramener les productions de la littérature hindoue à des dates beaucoup plus rapprochées de notre époque, et celles que propose Sir William Jones nous paraissent inadmissibles. M. Bühler se basant sur l’emploi du sloka épique, indique comme terminus a quo l’époque des grandes épopées indiennes du Mahâbhârata. Malheureusement là date de ce poème flotte elle-même dans le vague. M. Weber a établi que le Mahâbhârata était connu de Dion Chrysostome dans la deuxième moitié du premier siècle de notre ère et que Mégasthène qui était dans l’Inde en 315 avant J.-C. n’en parle point ; tirant un argument du silence[1] de cet auteur, il en conclut que la date probable du Mahâbhârata doit être placée entre les deux. D’autre part la postériorité incontestable des traités de Yâdjnavalkya et de Nârada donnerait selon M. Bühler le terminus ad quem, qu’il fixerait vers 500 de notre ère. Le commentaire de l’exégète hindou Medhâtithi fournit encore un point de repère assez précieux. Ce savant vivait, selon toute vraisemblance,

  1. Cet argument est assez peu probant.