Page:Les Lois de Manou, trad. Strehly, 1893.djvu/15

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le moins prévenu, tant par les défauts de composition et les hors-d’œuvre qui nuisent à la rigueur du plan, que par les doctrines contradictoires qui s’y heurtent à chaque pas et dont le désaccord s’expliquerait mal dans une œuvre de premier jet. On a déjà fait remarquer que l’attribution mythologique du début semblait trahir la préoccupation de donner une autorité surnaturelle à une composition purement humaine et par là de l’imposer à la croyance universelle des Âryas. Or, rien de pareil ne se trouve dans les Dharrna Soutras, ou Manuels particuliers des écoles védiques. Tout ce qui est dit dans le premier livre au sujet de la création du monde, de l’origine des castes, ainsi que l’espèce de table des matières qui le termine assez maladroitement est une addition postérieure, étrangère au véritable sujet[1]. Ce caractère est même si sensible qu’il n’a pas laissé d’inspirer quelques scrupules à des commentateurs indiens ordinairement portés à envisager toutes ces traditions mythologiques avec les yeux d’une foi aveugle. Autant pourrait-on en dire du livre XII, qui renferme un long exposé philosophique basé sur les doctrines enseignées dans les écoles Sânkhya, Yoga et Védânta. La classification des actions humaines sous trois chefs relatifs aux qualités de Bonté (sattva), de Passion (rajas) et d’Obscurité (tamas), ainsi que la longue péroraison traitant de la transmigration et de la béatitude finale, forment une digression fort intéressante à coup sûr, mais assez déplacée dans un Manuel de lois proprement dit. Le livre VII lui-même, consacré à la politique et au gouvernement des rois, bien qu’il se rattache plus directement au plan général, pourrait

  1. À un certain point de vue pourtant on pourrait trouver que cette cosmogonie est assez en sa place dans un ouvrage qui a la prétention d’être une sorte d’encyclopédie philosophique, morale et religieuse, embrassant tout ce qui concerne le commencement et la fin des choses, et rendant compte de l’arrangement universel.