Page:Les Lois de Manou, trad. Strehly, 1893.djvu/14

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antérieur dont il reproduit la doctrine, et qui avait été composé pour servir de manuel à telle ou telle école religieuse. Or, parmi les anciennes écoles védiques, nous savons qu’il y en avait une connue sous le nom de Mânavas formant une des six subdivisions de la secte Maitrâyanîya dont les disciples étaient adhérents du Yadjour-Véda Noir. Notre Mânava Dharma Sâstra ne serait donc qu’une refonte, un rifacimento d’un Mânava Dharma Soutra ; le ou les remanieurs, soit pour lui donner plus d’autorité et le rendre obligatoire à l’universalité des Âryas, soit qu’ils crussent réellement aux origines sacrées de l’œuvre, l’ont mis dans un cadre légendaire ; et l’on voit en même temps l’avantage qui résultait de l’attribution du livre au demi-dieu[1] Manou. En effet, dès les premiers temps, le mythique Manou, l’ancêtre primordial de l’humanité, l’urmensch comme diraient les Allemands, était considéré comme le fondateur de l’ordre social et moral, le révélateur des rites religieux et des maximes légales ; et outre cela, une supercherie étymologique, dont les Hindous sont assez coutumiers, permettait de retrouver son nom dans l’adjectif dérivé Mânava, et d’entendre par Mânava Dharma Sâstra le Code de Manou aussi bien que le Code des Mânavas[2].

Telle est, résumée en peu de mots, la thèse de M. Max Müller, thèse aujourd’hui admise sans contestation et que M. Bühler a reprise pour son compte en l’appuyant d’une argumentation si solide et si serrée qu’il lui a donné presque la certitude d’un fait historique. Que le Livre des Lois de Manou sous sa forme actuelle soit un remaniement d’un ouvrage antérieur, c’est ce qui éclate aux yeux du lecteur même

  1. Proprement le richi Manou.
  2. Il n’est pas impossible toutefois que l’école des Mânavas tirât son nom de Manou et prétendît se rattacher tout particulièrement à lui. Quant à la théorie de Manou père de l’humanité, elle est plutôt philologique que brâhmanique.