tu lui dis la vérité. La fidélité de La Fleur
(c’étoit son nom) se trouva ébranlée à ces
paroles, et, ayant mené son camarade dans
un lieu consacré à Bacchus, où ils se retranchèrent
derrière un fort de verres et de bouteilles
du meilleur vin qu’ils purent trouver,
il conta à son ami tout ce qu’il avoit pu
découvrir de son maître, avec prière qu’il
n’en diroit rien qu’à monseigneur de Noyon.
Ne te mets pas en peine, La Fleur, repartit
le valet en cassant un verre, mon maître est
discret. L’autre, qui avoit vu la galanterie
de son camarade, en jeta deux autres par
dessus sa tête, et tira La Fleur par la manche,
afin qu’il remarquât ce beau tour. Enfin,
la fête de Bacchus étant finie, nos valets s’en
retournèrent à leurs logis de la plus belle
humeur du monde.
Sitôt que l’évêque de Noyon vit le sien, il lui cria : Eh bien ! L’Aventure, as-tu fait ce que je t’ai dit ? — Oui, monseigneur, lui repartit-il en riant, je sais à peu près ce que vous voulez savoir. La Fleur m’a dit, comme il étoit de bonne humeur, qu’il ne savoit pas au vrai si le page à qui son maître donnoit des leçons, étoit fille ou garçon ; mais qu’il savoit très-bien que le révérend père jésuite baisoit bien des fois cet écolier par jour. — Que dis-tu là, mon ami ? répondit l’évêque comme surpris. — Rien n’est plus vrai, monseigneur, reprit L’Aventure ; il m’a