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LES JÉSUITES


dans son jardin, lui conta sa mélancolie après avoir essuyé ses larmes : Croyez-vous, mon révérend père, que je ne m’ennuye pas dans la vie ? qu’après avoir été caressée d’un grand roi et de plusieurs seigneurs de la cour, je me voye parfaitement abandonnée comme un hermite dans ma solitude. Ah ! certes, continua-t-elle, il est bien des momens au jour qui me semblent bien longs, et où je regrette cette agréable jeunesse qui nous fait adorer de tout le monde. — Madame, repartit le père La Chaise d’un air flatteur et consolant, vous savez que tout passe dans la vie avec rapidité, sans même qu’on y songe ; les charmes que vous avez eus ne pouvoient pas durer toujours, puisqu’il n’est rien de constant sur la terre, et que la plus grande beauté n’a qu’un printems ou qu’un automne. Vous voilà donc, madame, sur le retour de cette saison, l’hiver de vos jours approche, et vous savez qu’il faut tenir à la terre par quelque endroit, ou bien l’on ne nous regarde que comme des plantes inutiles qui l’occupent mal à propos et sans profit. — Eh ! que faut-il que je fasse, mon cher père ? répondit madame de Montespan en lui serrant la main. — Ce que vous ferez, madame, reprit le jésuite après avoir un peu rêvé, soyez dévote ; il n’y a pas un plus beau parti à prendre pour les personnes qui ont joui des plaisirs du monde ; ce saint manteau de dé-