parément sans qu’elle voye son futur époux
que quand elle se va coucher. Et vous remarquerez,
mon révérend père, continua cette
Turque en éclatant de rire, que si la fille
qui est couchée avec le galant dit un mot,
ou qu’elle fasse la moindre grimace, on la
prend pour une effrontée, qui a laissé prendre
sa fleur avant sa maturité, et qu’elle
mérite d’être étranglée aussi bien que ceux
qui n’ont point de fortune, que la loi de Mahomet
dit être indignes de la vie ; si bien qu’il
faut que la pauvre enfant se laisse tout faire
sans rien dire, autrement elle n’est point pucelle.
Le lendemain le galant, pour être
sûr de ce dont il doute quelquefois, envoie
la chemise de sa femme à l’hôtel-de-ville,
afin de l’examiner devant tous les parens des
deux côtés, qui en disent chacun leurs pensées ;
ensuite l’on conduit les mariés à un
grand festin dans un petit char de plusieurs
couleurs tout émaillé, où l’on met un grand
nombre de sonnettes de bassins qui font un
bruit effroyable, et ce petit char triomphant
est suivi de plusieurs jeunes hommes, qui
portent de grands marteaux pour leurs armes.
Voilà à peu près les manières de Turquie,
qui n’ont guères de rapport avec celles
des chrétiens. — Je vous avoue, ma chère
sœur, repartit le père Le Comte, que je viens
de la Chine, comme vous savez, et de plusieurs
endroits où habitent les infidèles ;
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LES JÉSUITES