pondit le père Le Comte ; mais touchant le
mariage, quel est le sentiment de Mahomet ?
Autorise-t-il le célibat ou non ? — Mon
père, reprit la Turque qui parloit fort bien
françois, les débauches et les désordres que
je vois en France ne se trouvent point si
communs chez nous. Les hommes sont plus
sages et plus politiques, et les femmes plus
fidèles à leurs maris ; et quant aux filles, si
elles avoient perdu leur pucelage, on les
enterreroit toutes vives sans rémission ; au
lieu qu’ici cela passe pour galanterie. — Mais
dites-moi, ma chère sœur, reprit le jésuite
en souriant, à quoi voit-on à votre pays
quand elles l’ont perdu ? — Mon père, répondit-elle
en rougissant, la modestie me
défend de vous le dire ; vous le savez bien
mieux que moi. — Il est vrai, ma belle, répliqua-t-il,
je vous aime de cette humeur ;
dites-moi un peu l’ordre que l’on tient quand
on marie une pucelle. — Mon père, reprit la
Turque, premièrement les amans ne se voyent
jamais, et ce sont de vieilles femmes qui sont
les courtières d’amour qui examinent celles
qu’on veut marier depuis les pieds jusques
à la tête, afin d’en faire un fidèle portrait au
galant qui la prend si elle lui plaît ; après
quoi on la mène à la mosquée fort richement
ornée, couverte d’un voile blanc, et
dessus le front on lui met un écrit où le
nom de Dieu et de Mahomet est gravé en
gros caractères ; après quoi on la marie sé-
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EN BELLE HUMEUR