ou trois jours. L’idée de son aimable marquise
lui servit de nourriture et de repos ;
mais le père Bourdaloue, le voyant un matin
pâle comme un mort, lui dit d’un air de
compassion : De bonne foi, mon pauvre frère,
l’amour vous fait languir terriblement. Parbleu !
allez au médecin, vous êtes plus malade
que vous ne croyez. — Ma maladie, père, répondit
le père gardien en riant, n’est pas
incurable, et madame la marquise la peut
guérir. — Allez-y donc promptement, mon
cher, dit-il en le prenant par la main, de
crainte d’irriter votre mal, qui est dangereux
en apparence. — Ne vous raillez pas
tant, Bourdaloue, de ma foiblesse, reprit le
père gardien en soupirant ; vous en avez autant
qu’un autre, et ce n’est pas la première
fois qu’on vous a vu soupirer, maltraiter
votre doctrine et la menacer de sa ruine totale,
si elle n’étoit plus sage. — Il est vrai,
père, répondit-il en souriant, mais présentement
elle est fort tranquille sur le chapitre
de… — Combien cela durera-t-il, interrompit
le religieux en éclatant de rire ? —
Peut-être jusqu’à demain, repartit l’autre
en le regardant. — Non pas, s’il vous plaît,
mon cher, vous allez bien vîte, dit le père
gardien avec chaleur ; je prétends assiéger
le lieu qui nous est commun, premier que
vous, pour cette fois, et y mettre du canon
dès aujourd’hui avec toutes les formes : je
m’y en vais de ce pas les armes à la main.
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LES JÉSUITES