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EN BELLE HUMEUR


casions où l’on a besoin de leurs services. — Mais, mon père, dit la dame comme surprise, n’avez-vous pas une assemblée particulière pour vous entretenir familièrement avec ces esprits ? — Oui bien, madame, reprit-il, nous les voyons en rendez-vous nocturne incognito, où ils nous rendent raison des commissions que nous leurs donnons ; comme nos ambassadeurs, nous les envoyons dans toutes les cours de l’Europe suivant nos vues. — Et où est ce rendez-vous nocturne, mon révérend père, dit la marquise d’un air curieux ? — Ah ! ma reine, vous en voulez trop savoir, repartit le père en souriant, mettez des bornes à votre curiosité ; les femmes ne doivent pas être si savantes ; nous serions bien fâchés d’en avoir dans notre assemblée, étant bien persuadés qu’en les voyant elles retirent le repos des hommes, et les inquiètent quelquefois plus que trente lutins ensemble. — Il faut donc se contenter, mon père, dit-elle, de tout ce que votre révérence veut. Adieu, je vous quitte pour quelque affaire domestique.

Le père Bourdaloue ayant quitté sa maîtresse, fut trouver le père gardien, qui l’attendoit avec impatience, et lui ayant fait un récit de sa dernière aventure avec bien du plaisir, et exagéré le mérite de celle qui l’engageoit, il fit naître à son ami une si grande envie de revoir cette belle qu’il n’en mangea et n’en dormit pendant deux