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LES JÉSUITES


L’on m’a toujours prêché qu’il ne falloit point qu’une fille éprouvât son galant avant que de se marier, et que cela étoit fort dangereux ; mais, c’est folie, je m’en repens bien : si j’avois à recommencer, je ne suivrois pas les avis que ma vieille tante m’a toujours donnés, et les leçons qu’elle me donne encore tous les jours, me recommandant quand elle me voit un peu rire, de ne jamais mettre de bois sur la tête de mon époux, qui le mérite sûrement plus qu’homme du monde. La belle antiquité, la pauvre femme, continua-t-elle en riant, a oublié ce qu’elle a fait au sien ; c’est pourquoi je me moque de ses conseils fâcheux. — Vous seriez bien simple et de bonne foi, madame, repartit le père fort sérieusement, de vous arrêter à ces contes ; croyez-vous qu’il y ait du péché de partager la couche de son mari avec un autre ? Point du tout. Le savant Suarès, un de nos docteurs, n’a point été de ce sentiment ; au contraire, il dit dans son Livre de Correction, chap. 3, verset 10, que notre Seigneur ne condamna point la femme surprise en adultère, mais qu’il dit : Que celui d’entre vous qui est sans péché jette la pierre contre elle. Allez, allez, vous ne laisserez pas de faire votre salut en partageant votre cœur au monde et à Dieu. De plus nous avons dans notre doctrine des accommodemens faciles avec le ciel, qui nous dispense de bien des chagrins qui dévorent la cons-