faites, mon révérend père, interrompit la
demoiselle avec piété, est fort consolante
pour une pécheresse qui n’aspire qu’au paradis ;
mais ayez la bonté de vous expliquer.
— Le père De la Rue, qui voyoit que sa pénitente
n’étoit pas savante en amour, en fut
ravi, et lui dit d’un ton passionné en la regardant :
C’est votre pucelage, ma belle, que
je vous demande pour récompense de tout
ce que je ferai pour vous. — Mon pucelage !
mon père, repartit Ninon en rougissant et
fort étonnée ; ma mère me dit tous les jours
qu’il ne faut jamais le donner avant d’être
mariée, et qu’un homme connoît d’abord
quand on a fait cette faute. — Bon, voilà
une belle affaire, répondit le religieux en
soupirant ; madame votre mère n’a peut-être
pas suivi la morale qu’elle vous prêche ; il
n’est que de jouir des beaux jours pendant
qu’ils sont à nous. De plus nous avons une
doctrine ravissante qui vous dispensera de
ce que vous appréhendez. — Eh ! quelle est-elle ?
mon père, répliqua la demoiselle curieuse ;
que j’ai envie de la savoir ! — Nous
ne la révélons pas, ma fille, reprit le jésuite
d’une façon grave, à tout le monde ; c’est un
mystère secret qui nous ravit en admiration,
et qui n’est propre que pour les esprits sublimes
et pour les demoiselles aussi engageantes
que vous. — Vous me l’apprendrez
donc, mon révérend père, s’écria Ninon,
qui commençoit à prendre goût au discours
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LES JÉSUITES