partit le jésuite en la priant de s’humaniser
avec lui ; quand voulez-vous vous en servir ?
— Je ne sais, mon père, repartit-elle en
souriant, j’ai encore du tems à y songer.
— Pas trop, mignonne ; profitez des momens
favorables, répliqua le père en la voulant
embrasser, et redoutez la course rapide des
ans qui détruit vos charmes.
Quelques pères, qui arrivèrent, interrompirent la conversation particulière, et la rendirent générale. Chacun s’empressa à dire des douceurs à l’aimable paysanne, et cette fille, se voyant caressée avec tant d’ardeur de ces religieux, les quitta après leur avoir laissé les œufs et sa crème qu’ils lui payèrent au double, afin de l’engager à revenir plus souvent, sachant bien que c’est l’âme du commun peuple que l’argent, et particulièrement des jeunes bocagères qui ne cherchent que cela.
Étant arrivée à son village, elle raconta à ses compagnes le bon accueil qu’on lui avoit fait à la maison professe de la rue Saint-Antoine sans en faire le détail, ajoutant qu’il y avoit du plaisir de rendre service aux saints pères jésuites, que l’on y gagnoit au double, que ces bonnes âmes payoient les choses une fois autant que les autres. Toutes les paysannes, ses camarades, jurèrent aussitôt qu’elles porteroient leurs œufs et leur crème au couvent des