et sans vermillon. Mais, interrompit la paysanne,
mon cher père, pouvez-vous me dire
d’où vient cette pâleur ? Richard le Fessu,
un des garçons les mieux bâtis de notre hameau,
disoit l’autre jour en sortant de la
messe qu’il savoit le meilleur remède du
monde pour guérir la couleur blême, qui
étoit du boudin sans cuir. Je ne sais pas
s’il ment ou non, mais toujours il nous l’a
dit. — Non, ma chère, reprit le père en lui
touchant la main, ce garçon dit la vérité ;
c’est un remède souverain pour les filles qui
ont la jaunisse, et qui… — Je voudrois bien
savoir, continua-t-elle sérieusement, comment
l’on applique ce boudin, et ce que
c’est. — Vraiment, ma mie, répondit le
religieux d’un ton agréable, si vous voulez,
je vous le montrerai. — Oui, foi de bergère,
je le veux bien, afin de m’en servir,
dit la paysanne. — Tenez, ma chère enfant,
lui répliqua le père en lui mettant quelque
chose dans la main de velu qu’il prit sous
sa soutane ; voilà ce que c’est. — Holà,
holà, mon père, s’écria la fille en se reculant :
appelez-vous cela un boudin ? Ce n’est
pas le nom qu’on lui donne dans notre village.
— Eh, comment appelle-t-on, ma fille,
ce boudin chez vous ? dit le jésuite en riant.
— Je ne sais, répondit-elle brusquement,
nous l’appelons un manche à tourniquet. —
Eh bien, un manche à tourniquet soit, ma
mie ; il n’y a rien de si bon pour vous, re-
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LES JÉSUITES