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30 l.K lUPIN.

(( Mais , mon cher, pin , que failes-vous de /)/// , dans celte affaire ? » Ce fut le centaure, celte fois, qui partit d tin éclat de rire. (I Pin ? dit-il, c’est la ce qui vous embarrasse ? Comment ! ml qui pcinij rapin, vous ne comprenez pas ? »

l’^t il icprit aussitôt sa position, qu’il n’avait quillée un inslantque poumons faire plus en face sa réponse dédaifincuse, ne se doulant pas de l’énormité de son calembour.

Plusieurs témoins de la scène que je raconte, après quelques minutes de réflexion , déclarèrent se ranger a l’opinion du centaure. Et au fait, pounjuoi pas ? Condiien d’expressions , passées aujourd’hui dans la langue , sont fondées sur des jeux de mois beaucoup moins raisonnables que celui-là !

La seconde explication du mot rapin, qui m’a été donnée également par un homme dont la compétence est fort respeclable , consiste a faire du mot un dérivé du verbe raphicr. Voilà une étymologie (]ui ne ressemble guère a l’autre , mais qui , a tout prendre, n’est pas plus flalleuse que l’autre pour la classe qu’elle désigne, ni plus improbable, analogiquemeni jiailanl. — Quant h la troisième, Je la donne comme l’expression de mon opinion personnelle ; opinion , du reste , assez généialcnient partagée : je crois que rapin vient de râpé. Mais dans rapin , me dira-t-on , oii est l’accent circonflexe ? C’est là, je l’avoue, une objection sérieuse, qui cependant ne m’arrête pas ; car, jusqu’à ce que l’Académie ait prononcé, chacun demeure libre d’écrire rapin avec un accent circonflexe.

Donc j’arrive enfin , après cette digression que me pardonneront certainement les grammairiens et les étymologistes, à dire (jue le rapin a de douze à dix-huit ans. Sa position sociale est des plus honorables , sinon des plus brillantes. Il est lils d’un porlicr ordinairement, ou dun artisan quelconque ; il peut même, à la rigueur, être lils d’un bourgeois, rentier honnête et paisible ; mais ce qui est certain, c’est qu’il n’est jamais fils d’un millionnaire. Il se peut bien faire, par hasard, que le rapin ait un oncle en Amérique, et qu’un beau jour il devienne riche ; toutefois le cas ne se présente pas souvent.

fircf , pour commencer la peinture de mon personnage, je parlerai de sa figure, et j’avouerai tout d’abord que le rapin n’est ni beau ni laid. Il a des yeux, un nez, une bouche, c’est tout ce que l’on en peut dire. Quant à la taille de cette bouche, quant à la grosseur de ce nez , quant à l’éclat de ces yeux , ce sont là aulant de problèmes, attendu le peu d’estime que le rnpin professe pour l’eau. — Ion que le rapin soit ivrogne , ce n’est point là ce que je veux donner à entendre : le rapin , au contraire , et sans doute par système hygiénique , fait de l’eau l’usage le plus immodéré, à ses repas ; seulement, hors de ses repas, l’eau n’est plus pour lui ijunn li(|uido inutile et insipide : d’où il résulte que l’on ne sait au juste à quoi s’en tenir sur la finesse de ses traits ou sur la couleur de son teint. — Mais , au fait , comme il y a exception à toute règle , et que je craindrais d’exposer les rapins exceptionnels au blâme des jeunes gens à la mode et des petites-maîtresses , j’arrive du général au particulier. Je connais un rapin, nommé Théodore, qui a la ligure aussi mal lavée que le piiissent indiquer les quelques lignes précédentes, et qui, déplus, est rapin