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•<6 LES l’I'WiMES l’OLlilQUIiS.

dû se séquestrer, s’eiiferiuer lieiniétiqiienieiit dans une impoiiunce diync ul lioide, répulsive de l’uinilié et des aflections douces. Les femmes ne l’aimaient |ias ; les hommes lacraij ;naient, la ménaneaienl, et clieielialent ;i se laiie distinguer par elle. Pour le vulfîaire des salons, elle représenlait une l’einme supérieure ; les ministres la considéraient comme une sorte de protocole vivant, une tradition animée, un dépùl d’archives secrètes, un nœud d’alliance du passé avec le présent, et de tous les deux avec l’avenir.

Quand j< ! vis pour la première lois la comtesse de Uégnacourt, elle me parut sèche, loide, assez impertinente , boullie de son importance et moins spirituelle que prétenlieuse ; sa conversation, que j’écoutais attentivement, me sembla un pâle écho des conveisntions (|ui avaient dû avoir lieu devant elle, un lellcl de sa lecture de journaux du matin ; en un mot, elle ne me plut pas. Kn la connaissant mieux, je lui découvris plus d’esprit, moins d’impertinence, moins de roideur. Je dois dire que l’observation de son caractère fut un amusement chaque jour nouveau pour moi ; et quand je voulus porter un jugement délinltit sur son compte, j’arrivai a conclure : « Que dans cette femme iraiinsubslaniiulisée ne se trouvaient plusniieco’ur, ni les « vertus, ni les auti es qualités de lafenmie, et ipie ne s’y rencontraient pas cependant (I l’énergie, la volonté, le caractère l’I toutes les puissances de l’homme. D’où il ré- " sullait que i’iîgérie gouvernementale, femme usée, homme incomplet de toutes « manières, sans cœur, sans réalité, espèce de gnome politi(iue, martyre de sa sufd- " sance, ressemiilail fort, a mou avis, "a ce chien du bon La Fontaine qui lâche la Il pi oie i]u’il tient pour couiir après son ombre que lui présente le cristal d’un ruisseau.» Cette conclusion n’était pas juste : un de mes vieux amis , meilleur observateur et meilleur jugeur que je ne puis me vanter de l’être, me la lit rectilier. « Madame de Régnaconrt, me dit-il, a d’abord très-bien mangé sa proie ; je dois même vous faire remarquer que, pendant toute sa jeunesse, elle a plutôt dévoré la proie des autres qu’elle ne s’est montrée satisfaite de celle qui lui avait été départie. Aujourd’hui elle cherche à transformer en réalités les ombres qu’elle peut saisir, et, du moins en apparence, elle n’y réussit pas trop mal. Elle n’est plus belle, et elle a encore des amants ; sou mari n’est ni ministre ni ambassadeur, et l’on voit autour d’elle s’empresser une cour assidue de puissances politiques. C’est donc [lour le moins une femme très-habile. » Un jeune étourdi ipii écoutait la lectilicalion de mon vieil ami l’interronipit pour dire en pirouettant sur la pointe des pieds : « Madame de Uégnacourt !.. mais c’est la mère Gigogne du gouvernement actuel : fouillez-la, vous trouverez dans les plis de ses cotillons tous nos hommes d’état. »

L’Egéricopiiosante m’est apparue, bien différente de madame de lîégnacouit, sous les traits d’une femme encore presque jeune, réjouie, sentimiMitale, vive, romanesque à force d’avoir bâti et débâti des romans. On lanommait la mar(|uise de Divindroit. Klle avait beaucoup d’amis ; rien en elle ne re|)Oussait, n’inspirait de crainte ; elle aimait les plaisirs, le mouvement, et dix fois elle s’était compromise aux yeux du monde pour des amants (ju’elle se croyait sûre d’aimer toujours, mais qu’elle s’apercevait bientôt n’avoir pris (pi’ii bail. Depuis la révolution de 1830, la marquise de Divindroit s’était Iraiislormée en femme politi<iue ; la royauté de la