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l.l’.S FliMMIiS Pol.l I IIJL lis. 45

foiuiiie :oii îi’ainif poiiil ;i voir di’ Hop près la inoilic ulyaiie île la diviiiilo «[ue l’on a posée sur un |>iédi’slal ; et la femme politique, l’Ei^éiie du dix-ucuviènic siècle est du nombic de ces divinités qui ont besoin de toutes les illusions dont elles s"enlouienl et dont on les entoure.

Madame de Uéf^naeourl recevait peu de femmes el faisait rarement des visites ; sa porte n’était ouverte le soir qu’a certains initiés, et quelquefois même son porlier répondait avec un imperturlialilesaiig-fniid aux visiteurs haliituels : (I Madame est sortie, « 

quoique dos voilures alignées dans lu cour de son hôtel vinssent lui donner un démenti formel. Mais c’est que ces soirs-la il se tenait chez madame de Kégnacourl un de ces conseils secrets de ministres voulant ;>’eiilendre entie eux et sans éclat sur quelque mesure importante, hors de la présence d’un collègue tmp puissant. Quelques mauvais plaisants, eimemis de madame de Kégnacourt, nommaient ses salons les VcndaïKjes ilr Bonrijwjnc des ministères, tlle apparaissait rarement aux Tuileries pendant les réceptions publiques, mais trois ou quatre fois par an les jouruaux enregistraient avec une mystérieuse importance (jue le roi l’avait reçue eu audience particulière. Quand quelque événement heureux ou malheureux survenait dans sa famille, nu oflicier du chàleau accourait vers elle, chargé par une auguste bienveillance de lui iransmeltre des compliments de condoléance, ou des félicitations empressées. EnlJn, uiadauie de Hégnacourt était une puissance sourde el secrète, une sorte d’influence sans nom, attachée ’a l’ordre de choses actuel, mais plus forte que tous les pouvoirs, indépeiidaule des différentes factions qui se les paitageaicnt : Egérie de tous les ministies, marchant avec eux tant qu’ils étaient couronnés, et leur survivant îi tous.

Karemeut elle accordait sa protection à ceux qui la sollicitaient ; elle aimait à choisir elle-même ses créatures, et a les élever |)romptement vers le but au(iuel elle les destinait. Les ambassades et le conseil d’état se trouvaieul peuplés de ses élus ; mais les ambassades surtout lui devaient leurs secrétaires les plus actifs, les plus jeunes, les plus impatients d’avancement : par eux elle avait des nouvelles politiques de tous les pays du monde, car elle avait l’aride les rendre tous honorablemeul indiscrets, sans qu’ils s’aperçussent de leur indiscrétion, saus qu’ils eussent ’a en rougir ou "a en conserver des remords.

Chacun de ses protégés s’était compromis vis-ii-vis d’elle par une déclaration d’amour qu’elle avait eu l’art de lui arracher. Le nombre des appelés était considérable ; nul ne savait le nombre des élus.

S’il arrivait que madame de Kégnacourt assistât ’a quelque grande discussion de la chambre des députés, les orateurs les plus influents venaient la saluer pendant un des repos de la séance, el le lendemain les jouruaux politiijues apprenaient à la France et au monde que « l’on remanjuait la comtesse de Kégnacourt dans la tribune diplomatique. »

Pour se créer ainsi une sorte de royauté politique, une spécialité qui la faisait se considérer comme uu quatrième pouvoir dans l’étal, la comtesse de Kégnacourt avait dû renoncera presque toutes les jouissances ordinaires de la vie du monde ; elle avait