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I.A FEMME COMME IL FAUT. 27

(le rei’oniiailit.’ les difl’érenrt’s aiixi|Melles les observaleiirs éiiiérites les ilislingiieni , lanl la feiiinie esl roniédieiine ! mais elles crèvent les yeiiv aux Parisiens : c’est des agrafes mal cachées, des cordons qui montrent lenr lacis d’un blanc roux au dos de la robe par une fente entre-bâillée , des souliers éraillés , des rubans de chapeau repassés , une robe Iroj) bouffante, une tournure trop (joniniée. Vous renianpierez une sorte d’effoit dans rabaissement prémédité de la paupière. Il y a de la convention dans la |)ose. Quant A la bourjjeoise, il est impossible de la confondre avec la femme comme il faut ; elle la fait admirablement ressortir, elle explique h ; chai’me (pie vous a jeté votre inconnue. La biiuri ;eoise est affairée, sort par tous les temps , trotte, va, vient , regarde, ne sait pas si elle entrera, si elle n’entrera pas dans un magasin. Là où la femme comme il faut sait bien ce qu’elle veut et ce qu’elle fait, la bourgeoise est indécise, retrousse sa robe pour passer un ruisseau, Iraine avec elle un enfant qui l’ohligi ? à guetter les voitures ; elle est mère en public, et cause avec sa tille ; elle a de l’argent dans son cabas , et des bas à jour aux pieds ; en hiver, elle a un boa par-dessus une pèlerine en fourrure, un cliàle cl une écliarpe en été : la bourgeoise entend admirablement les pléonasmes de toilette. Votre belle promeneuse, vous la retrouverez, si vous êtes susceptible de la retrouver, aux Italiens, à l’Opéra, dans un bal. Elle se montre alors sous un aspect si différent que vous diriez deux créations sans analogie. La femme esl sortie de ses vêlements mystérieux comme un papillon de sa larve soyeuse. Elle sert, comme une friandise, à vos yeux ravis, les formes que le matin son corsage modelait à peine. Au théâtre, elle ne dépasse pas les secondes loges, excepté aux Italiens. Vous IKiurrez alors étudiera votre aise la savante lenteur de ses mouvements. L’adorable trompeuse use des petits arlifices politiques de la femme avec un naturel qui exclut toute idée d’art et de préméditation. A-t-elle une main royalement belle, le plus fin croira (pi’il était absolument nécessaire de rouler , de remonter ou d’écarter celle de ses riiigicc/s ou de ses boucles ((u’elle caresse. Si elle a quelque splendeur dans le profil, il vous paraîtra qu’elle donne de l’ironie ou de la grâce à ce qu’elle dit au voisin , en se posant de manière à produire ce magiiifii|ue effet de pi’ofd perdu , tant affectionné par les grands peintres, <pii attire la hnnière sur la joue, dessine le nez par une ligne nette, illumine le rose des narines, coupe le front à vive arête, laisse an regard sa paillette de feu, mais dirigée dans l’espace, et pi(|ue d’un ti-ait de lumière la blanche rondeur du menton. Si elle a un joli pied , elle se jettera sur un divan avec la coquetterie d’une chatte au soleil, les pieds en avant, sans que vous trouviez à son attitude autre chose que le plus délicieux modèle donné par la lassitude à la statuaire. Il n’y a que la femme comme il faut pour être à l’aise dans sa loilelle : rien ne la gène. Vous ne la surprendrez jamais, comme une bourgeoise, à remonter luie épaulelte récalcitrante, à faire descendre un buse insubordonné, à regarder si la gorgerette accomplit son office de gardien infidèle autour de deux trésors étincelants de blancheur, à se regarder dans les glaces pour savoir si la coiffure se maintient <lans ses quartiers. Sa toilelle est toujours en harmonie avec son caiactère : elle a eu le temps de l’étudier, de décider ce qui lui va bien , car elle connaît depuis longtemps ce (pii ne lui va pas. Poru’ être femme comme il faut , il n’est pas nécessaire