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Hugo, lecltcf de l’école |)oélii|iie îles temps modernes. Loin de se |iassioiii)cr pour ces lr ;igédies guindées el compassées qui se font, comme une règle d’ai’illiméli(|ue , par l’addllion d’(ui ci-rlain nombre di’ princes, de princesses el de confidents, il porte avec enthousiasme le tribut de son admiration partout où le drame saisissant se meut et palpite. Donne-t-on un drame inédit du grand homme, l’étudiant se passe dediner, se met à la queue dès deux heures, arrive le premier au bureau, el emporte d’assaut Tuniiiuc billet de parterre i|ue Ton y liislribue. Lu coup desiftlel part d’une loge. «A la poile ! ;i la porlel s’eclaine réiudiani ; c’est un nieiubre de l’Institut !» Nouveau coup de sifflet. "A la porlel ré|ifie l’éliidiaiU : ;’i la huilerne les classiipies ! » Vient une tirade de poésie lianniinieuse et sublime, toute la salle eiiiviée appliiudil et tiépljîue : léludiaul bal des mains aee fureur . et lance un regard de mépris à l’indiviilu éhéiucatrn)ent soupçoiuié d’être membre de l’Institut.

Il est rare que l’éludiant eu droit ne soit pas uuisicien. Il a un maître de flageidet, de fliite ou de cornet à piston , et joue Au clair de la lune sur l’accordéon. Nonobstant les règlements de police , son cor de chasse retentit au n]llieu du silence de la nuit ; il l’embouche à une heure du matin, au retour du spectacle, pour se consoler d’avoir u la nouveauté jimic-milicK. Le i)ropriélaire tempête, les voisins s’insurgent ; mais qu’importe ? l’intrépide virtuose poursuit son harmonieux tintamarre, de complicité avec les chats des en irons. La vigueur de ses poumons est-elle épuisée, il sacrifie aux muses, car ime inonomanie l’obsède : il faut ([u’il écrive. Il jette des feuilletons dans la boite des journaux, qui ne les insèrent jamais, expédie des drames et des vaudevilles aux direcleurs des Ihéàlres des boulevards, el s’indigne de ne pouvoir obtenir leclure. Il porte le manuscrit d’un roman intime en deux v(dnmes in-S" à Lachapelle ou à H. Souverain, sciiipnlenx el discrets dépositaires de ces cliefsd’tt’uvre. Les nouvelles qu’il élabore débutent presque toujours ainsi : «Par une belle matinée de printenqis, deux hommes, enveloppée de larges manteaux, descendaient silencieusement la colline... j Parfois aussi il eiilame son sujet in médias rcs, conformément à la recette suivante : i^ Par la messe ! dit le jeune inconnu en vidant d’un seul Irait son banap renqdi de vin de Hongrie, nous vivons en des tenqis bien étranges, messeigneurs...» Sa poésie est de ce genre phlhisique, maladif et rachftique, désespérant et désespéré, dont Joseph Delorme est le patron. Le moi el les eclanialions y dominent. On y remaniue des vers tels que ceux-ci : Oli ! iiarnii les humains je marche solitaire .

r<iinme le juif errant, (t courbe vois la terre

Mon front pâle et rthenr ! !

Tout nourrit le poison de ma mélancolie !

Oli ! mon r(eur est brisé ! j’ai bujo»qu’à la lie

la roiipe (In mallipur !! !

Cette strophe est éclose dans un nu ;ige de fumée de labac et sous l’inspiralion d’une bonleille d’eau-de-vie. Voyant que les édileursel la gloire lui loiniienl le dos, l’éludiant passe à l’étal de génie méconnu, el, en IraversanI le pool des Arts, il mesnrc d’un iril f.iiduciir la dislance qui le sépare de l’abirne. Mais il |inisci-a des