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LE SriiCULATEUR. 577

d’approclie découvrant des aclioiiiiaircs sur une comélc avec ou sans queue, le loul veiiiinl h nous bride abattue ; parlez-nous de toiles mirobolantes qu’on va tisser avec du jasmin , des roses et du eiièvrefeuille , tliaiim’s d’abord en épaisse niiinnelade , puis Iranslonués en éciieveauv de lil par des procédés incompréhensibles : à la bonne heure 1 Comme cela ravil l’imaijination ! ijucl vaste champ à l’enthousiasme ! quelle carrière au jonu ;leurs !... Le succès de ces merveilles est certain d’avance, non pas seulement (jiw’viuc absurdes, mais précisément parce ijuc absurdes. Ces deux adverbes ont du bonheur.

Le spéculateur, prince souverain du pays des chimères , passe une [lartiede sa vie doucement bercé par le songe argenté... des illusions. Il voit la plni<’ d’or de Danaé t(miber de toutes parts sur ses conceptions mercantiles ; il lait continuellement la comiuOle en espérance de toutes les toisons d’or que son imn^inalion lui nionlre suspendues à chacun des arbres de l’induslric, vraie forêt Noire de l’époiiue. Il a sans cesse devant les yeux l’exemple de je ne sais quel millionnaire qui aurait commencé par vendre du bétail et qui aurait lini par vendre des peuples, ce qui lui parait se ressendder beaucoup. Il eile une foule de ses camarades qui , "a leur début dans la carrière, ne fré(pienlaient que les nécessiteux de la taverne, et ([ui maintenant ne daignent se familiariser qu’avec les puissances du |>alais. Il est, du reste, une foule d’incrédules qui rient de ses plans et de ses rêves , qui affirment iuc plus d’un de ces apôtres de l’or ont été vus, eux et leurs disciples, arrivant de succès en succès , de bénéfice en bcnélice et de loi lune en fortune , à une des chambres de Sainte-Pélagie, à uu des lits de l’Uôtel-Dieu , voire même à une des loges de Bicêtre.... Mais ces odieux piopos n’alleignenl pas la grande figure (ju’ils insullenl. Que la prédiction se réalise ou non, elle n’en est pas moins déciaiée impossible. La notabilité de l’époque a le rare privilège de puiser une illustration dans ses avanies elles-mêmes ; le féodal poursuivant d’armes de la spéculation fournit brillamment sa carrière contre tout venant ; et , qu’il soit applaudi ou hué , il ne s’en élancera pas moins , a la suite de ce paladin du dix-neuvième siècle, une foule de chevaliers... d’industrie. Regardez-le dans sim appartement, au milieu des papiers et des cartons, qu’il classe avec amour et méthode. Oh ! que de trésors sous ses doigts !... Prenons au hasard et lisons. (N" 5.) « Manière de courir la poste dans des wagons sus|)cndus sur ■ des Dis de fer presque invisibles, "a quelques pieds du sol. n (N’S.) « Mi nés de houille, de cuivre, d’asphalte et de vif-argent, sur le point d’être découvertes "a l’une des barrières de Paris. » (N° 9.) « Tontine pour assurer des maris’a leuraise au jeunes vierges qui ne le seraient pas. Nota. On donnera la -dessus des explications sérieuses. » (.N° 17.) « Association musicale et dansante pour dédommager des lrend>lemenls de terre, des incen lies cl de la peste. » (N" 18.) « Société pour garantii- le public, moyennant une jirime, de foules les contribulions forcées nommées vulgairement dans les salons : billets d’artistes, loterie des pauvres, souscriptions de charité, etc. » (N°. 35.) « Communauté scientifique, par aelions, pour l’industrie des vcrs’asoie, d’après les procédés de l’euseignemcnt nuiluel. » Voilà-t-il des idées heureuses !... Le spéculateur entreprendra toutes ces belles choses ; il les proclamera nationales, et chacune l’enrichira. Car pour lui point de mauvaises chances : si l’affaire rciissil , il