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372 Ll’. VIVKUR.

De loulos les nations étrangorcs, celle (jui a les piédilcclions du viveiii-, c’est la nation anglaise : Adolphe se rappelait avec attendrissement être venu de Turin a Paris avec un gentleman qui ne reconnaissait les villes qu’il avait déjà traversées que par les salles a manger des auberges dans lesquelles il s’était arrêté. Adolphe n’est d’aucune société chantante, et cependant il sait ce que tous les chansonniers ont fait de plus spirituel et de plus charmant, et puis il sait aussi des chansons qui n’appartiennent à personne et qui feraient honneur à tout le monde ; il a des croquis de mœurs, des souvenirs , des pochades, et des cliar !;es les plus grotesques, les plus divertissantes, et qui provoquent infailliblement le fou-rire. Ils ;ijt tout ce qui inspire la joie ; sa compagnie est celle d’un être qui veille "a la félicité de ceux cpii l’entourent. Adolphe i)rocède de l’artiste , du gastronome, du bon enfant, du bon garçon et du bon vivant ; il y a en lui du Désaugiers . du Philibert cadet et du D. Juan, moins la scélératesse et l’amour féminin. De tous les types heureux , divins ou diaboliques, il a pris ce qui pouvait le mieux composer une végétation intelligente. Au moral , il se peignait en peu île mots ; « Je n’ai pas de vices, disait-il , mais j’ai presque tous les défauts. »

Son existence a été arrangée tout entière pour connaître, aimer et servir le plaisir, et par ce moyen obtenir la vie réelle. Son portier compose tout son domestique ; il l’a formé, dressé, élevé. Adolphe a eu lui plus qu’un serviteur, c’est un ami ; cet homme a même pour lui la tendresse et la sollicitude d’un père. «Que faites-vous quand je rentre ? lui dit-il un jour. — Je regarde attentivement monsieur, pour savoir s’il faut laisser marcher monsieur, conduire monsieur, ou porter monsieur. 1) 11 a fait ainsi un catéchisme ’a l’usage de son [lortier. Adolphe a horreur du travail ; mais ce qu’il craint le plus au monde, c’est l’ennui : il le redoute plus qu’il ne redoute la douleur. II m’a avoué que , dans sa pensée, le mot avenir n’avait pas un sens bien défini ; il n’y croit pas. Ce soir-l’a Adolphe nous quitta de bonne heure ; il se disposait ’a un souper solennel. II devait y avoir des toasl immenses, une lutte d’hiçiurçiUalion gigantesque, la coupe d’Hercule, « un retour vers les grandes choses que nous avons faites ensemble , 11 disait-il "a A’ollis. Pour Adolphe, c’était un tournoi ; il s’y préparait en noble chevalier par la promenade et par l’usage des sorbets. Chaque convive , en se mettant à table , devait porter sur son dos une étiquette indiquant son nom et son adresse. II fallait qu’après le combat on pût reconnaître les morts. C’était un souper à outrance.

Le roi des viveurs a une santé des plus robustes ; il pense qu’il y a quelque mérite intellectuel ’a se bien porter. On lui annonçait dernièrement la mort d’un illustre camarade, jeune encore. « Cela ne peut pas être, s’écria-t-il , il avait trop d’esprit pour mourir si tôt ! » II avait raison , il a conserve son ami. Selon lui , ce sont les sols qui ont dit qu’il fallait faire la vie courte et bonne. II prétend que le viveur l’embellit pour la prolonsîer.

L’enfer du viveur, c’est la goutte : elle est h sa vieillesse ce que le remords est "a une vie coupable.

EU&CME BaiFFADLT.