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LE VI VELU. -71

A si lunires cl dcmio , Ailolplic jouail sdii vonc de l)îlie h Loslaminct do "’. I.ii , il iiviiil repris quelque eiiose du Ion <lu malin . relui de Berey , et il fumait saillaidenienl , non plus le cigare, mais une houfj’uydc remplie de lal)ac-ta|Kual. A sept heures , nous étions elicz éiy, non pas dans la salle conuuune toute peuplée de hauts et puissants dîneurs, mais dans un cabinet au premier étaue. Le diner était simple ; j’en ai conservé le menu : des huîtres d’Oslendc , un potage printanier , une liarliiie , un gigot de mouton, des liaiieols et des asperges ; vin de l !ordeau ordinaire, vin de Madère frappé. Adolphe défendait le vin de Bordeaux le malin , comme trop faihle pour réparer les avaries de la nuit ; il proscrivait le vin de Bourgogne le soir, connue trop chaud , et pouvant c()m|>romellre la laison ; il ne voulait pas qu’on hùl de vin de Cliampague à déjeuner , il ordonnait de ne pas boire d’autre vin au souper ; le vin de Madère glacé était a ses yeu une des plus lielles cou(iuétes des temps modernes.

Le dîner fut long et animé. Adolphe parcourui avec nous toute réchellc des variétés du viveur. Il nous le montra plus indépendant et moins embarrassé que le voluptueux et le sybarite de l’antiquité ; il nous le présenta comme plus éclairé que le roué, ce fanfaron de dissolution ; il le plaça au-dessus de tout ce que les autres époques avaient produit , depuis Athènes jusqu’à Florence , depuis le siècle de Périclès jusqu’au Directoire. A ses yeux , le viveur était l’expression vraie d’une civilisation vraie, non pas poursuivant le beau idéal et de convention, mais cherchant la vie positive, étant la personnificalion vivante de ce précepte d’Adam .Sniilh : « Être, et être le mieux possible ; » la fusion animée de ces deux adages proclamés par les deux plus fortes têtes du dix-neuvième siècle : « Jouir de tout. — N e se priver de rien. » Il se proclamait sase entre les sages ; s ;i conduite résumait les tendances exactes du siècle ; elle les résumait en leur ùlant la tiistesse de l’égoïsmc : voilà pourquoi le viveur est le produit d’une ère de calculs et de lumières ; c’est la raison appliquée aux sensations.

Au-dessous de ces régions supérieures du sensualisme , il évoqua le viveur artiste qui a réhabilité le cabaret de ses devanciers ; il nous peignit aussi le viveur qui se mêle à la joie de tous et oublie volontiers un peu de sa dignité pour trouver des plaisirs plus vifs et moins apprêtés ; celui qui se plonge pendant quelques mois de l’année dans le tourbillon populaire , comme les grands seigneurs qui allaient danser aux Porchcrons ; celui qui ne se condamne à six jours de travail que pour vivre pleinement le septième jour, le viveur des goguettes, qui rit, chante, boit, et descend en chancelant le fleuve de la vie ; et au dernier degré, le noceur, celui que rien ne peut arracher aux chères distractions de la dive bouteille, qui a toujours tant de bonne volonté pour le travail et tant de penchant pour la paresse. Au delà tout est hideux.

Loin de Paris, le viveur mourrait de chagrin ou de consomption. « La province, me disait Nollis, n’est à mes yeux qu’un immense garde-manger, je ne veux pas plus y aller que je ne veux passer par la cuisine avant de me mettre à table. En province les estomacs n’ont pas d’esprit ; ils mangent . mais ils ne savent pas manger ; le viveur de déparlemeni n’est qu’un iilouton . ce n’est pas même un sourniand. n