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370 LE VIVEUR.

vous nommez nécessairement U.... : il n’y a que vous caiiaiile tic faite cela cl que moi capable de le souffrir. »

Un viveur qui venait d’Iiériter de son oncle rendait ainsi compte do l’enterremenl : u 11 n’y avait que les héritiers qui riaient ; pour les autres, i ;a leur était égal. » H y avait aussi des traits héroïques. En juillet I S.ÎO , un viveur fit frapper une bouteille de vin de Champagne à la porte d’un marchand de vin , devant le Louvre, sous le feu des soldats suisses ; il la but avec quelques combattants , et il se rua a l’attaque. Dans un duel , un viveur, frappé d’une balle qui lui fracassa le bras droit, dit tranquillement : « Je boirai de la main gauche. « 

En écoulant ces récits, j’ai compris ce mot d’un viveur que son esprit faisait rechercher en tous lieux : « Je diue tous les mercredis chez mademoiselle M.... Eh bien ! au jour de l’an, elle ne m’a rien donné pour mes étrcnnes ! Quelle ingratitude !

» 

11 nous raconta aussi cette fête de Montmorency, dans laquelle une compagnie de viveurs avait loué une famille d’aveugles, pour avoir les violons pendant la collation : ces braves gens , je parle des aveugles , n’entendant autour d’eus que des propos sages , chastes et vertueux , bénissaient le ciel qui les faisait assister a de si honnêtes délices ; ils ne se doutaient pas que leurs détestables convives étaient des démons cachant leurs méfaits sous le langage des auges.

De l’a on passa eu revue les destinées des grands viveurs de l’âge actuel. On les retrouve partout , dans les deux chambres , par l’hérédité et par l’élection , au conseil-d’état, dans la magistrature, dans les hautes fonctions publiques ; ils sont décorés, enrichis, titrés, presque jamais corrigés. Seulement , au lieu de la vie publique , ils ont de petits appartements ; à l’orgie éclatante , ils ont substitué le plaisir discret et mystérieux.

Adolphe s’irritait contre la race fasliionable ; il ne lui pardonnait ni son luxe inutile , ni son jeu effréné , ni ses ruineuses amours ; il n’avait d’indulgence que pour les repas étiucelants et qui font resplendir la nuit, pour la volupté sans joug, pour le culte du beau matériel et pour la poésie des sens. Dans les courses, dans les merveilles du Bois, de l’hippodiome , de la plaine , de la forêt, de la chasse et de tout l’appareil du chenil et de l’écurie, il ne voyait que les haltes avecleurs repas homériques, l’appétissante venaison et les coupes ciselées que le soir, devant le café de Paris, les vainqueurs remplissaient de vin de Xérès et vidaient d’un seul trait. C’est en devisant de la sorte que nous arrivâmes "a la porte du tir de **’. Adolphe y fut reçu avec acclamations ; on le salua avec des transports d’allégresse. En un moment vingt paris furent engagés et vingt verres furent remplis de vin de Champagne ; les assiettes de biscuits circulaient, et les tireurs buvaient d’une main et ajustaient de l’autre. Le dieu des bonnes gens protégeait Adolpiie : ses jambes Oageolaient et sa main était sûre ; il gagnait tous les paris.

Du tir au pistolet , Adolphe nous conduisit à Saint-Cloud ; il nous engagea "a faire un tour de parc et à boire de grands verres de sodu-walcr ; l’effet de ce spécilique lut prompt et infaillible ; je me pris à désirer le dincr , <lonl la seidc idée me glaçait irr|)ouvantc quel(|ues inoinoiils au|iarav :nil.