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gés. Les aslies , les hommes el les eorarais voyageurs ont subi la plus étrange des transubslanlialions : les asUes soiil bouleversés, les hommes se boulevcrsenl encore , et les commis voyageurs les ont précédés, les suivent el les suivront in extremis , dans ce bouleversement général.

^aguè^e le eomniellant ne connaissait Paris , Reims et Amiens que de nom, rien tiue de nom. Les commis voyageurs , ces canaux de rinduslrie française, éparpillaient partout les produits bélérogcncs qui sortaient de leurs ))wmo/<es comme les bonbons de la corne d’abondance à la porte du contlseur , el le provincial , ea voyant afOuer chez lui ces merveilles de la création humaine , trônait avec fierté sur son comptoir de bois blanc on de Siipin. C’est qu’un colilichet né à Paris était une œuvre particulièrement exotique que l’on avait en grande véuération ; aussi cette vénéralion rejaillissail-cllesnr lecoramis voyageur, l’heureux et bien estimable dispensateur des pins féeriques productions. Mais aujourd’hui, ô lempora ! ô i«ojy’.s/ aujourd’hui que Satan a soufflé au cerveau do l’homme je ne sais trop quelle diaboliqne invention qui peimet au timide indigène de Brivesou d’Avallon de se faire transporter à Paris en moins de temps qu’il n’en faut pour fermer les yeux , les rouvrir, éternuer ou aspirer une prise de tabac, il n’est plus possible que le eomniellant se prive du voyage de la capitale. Le margoulin seul, ce petit débitant à demi-once ou à demi-aune , celte infime traduction de l’industrialisme el du comptoir , le margoulin seul eu est encore "a redouter Paris, son brouhaha, son tohubohu , el surtout les dépenses coiisé/jncnUs qu’il faut y faire pour vivie plus chélivcraent qu’à Laval ou à liar-le-Duc , avec le pot au feu , les confitures ou la poule au riz. Aussi dans son quiétisme béotien le margoulin est-il le sauveur, la providence du pauvre voyageur, lin effet, que deviendrait ce derniersans la petite commission "a 150, 200. et quelquefois même 300 francs’ ;"

Tel est pourtant le résultat de la civilisation eldu progrès : la civilisalion a lue le modeste boutiquier, et de la chrysalide de celui-ci est sorti un négociant ambitieux • le progrès a enfanté les diligences, qui conjointement avec le bas piix du transport ont tué les commis voyageurs ; la civilisation a étouffé l’obséquieux marchand , el des cendres de celui-ci s’est échappé l’orgueilleux comraeltanl ; le progrès a innové les chemins de fer , qui tueront les diligences, el finalement , grâces a Gréen et à Margat, céderont lepasaux aéronauteselaux ballons, lit ainsi de suite, jusqu’à ce quelaperfection, donnant un démenti "a l’impossible, rencontre en elle-même sa destruction. Voilà ce qui fait que , de nos jours, les commis voyageurs qui ont pu échapper au naufrage deviennent les martyrs, les souffre-douleurs, les victimes expialiices des insatiables besoins de leurs patrons ; voilà cequi faitqueles commis voyageuis deviennent les frères récolleurs, ou mieux les mendiants rebutés, bafoués, honteux de la maison qu’ils représentent ou essaient de représenter. « Va donc , pauvre hère va , moyennant 2 francs par jour y compris la nourriture à table d’hole el le logement en diligence, va prostituer ton caractère, va vendre ta conscience, va mesurer la sincérité de tes protestations sur la qualité de tessucresel le bon teint de tesétoffes. Cours de jwrte en porte quêter le sourire de l’un, la poignée de main de l’autre, une commission de tous, pour, en résumé, ne rien obtenir. Cours, toi qui n’as ni -«.5