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5’i6 F, A KKUlTIliUi :.

tlifféieiitc de la poilièie sa voisine, qui a les prétentions et le savoir d’un homme d’état. Parfois, dans ses heures de désœuvrement, elle emprunte à eelle-ci une moitié de vieux journal. Klle lit rarement, et ne sut jamais hien liie ; elle épelle donc à fjrand’peine, et en estropiant les mots : elle ne comprend pas beaucoup ; mais c’est sans doute la faute du journal ; et puis la fin de la phrase ou de la page lui expliquera te qui lui semble obscur et incohérent. La phrase linit, la page s’achève, et la lectrice n’a recueilli que des termos étranges, des noms qu’elle a enlendu prononcer, mais dont elle ignore l’histoire. Lasse enlin et découragée, elle aliandonne cet exercice fatigant pour ses yeux et pour son intelligence, et en revient ’a son vieux livre de prières, livre qu’elle sait par cœur, ce qui ne veut pas diie (|u’elle le comprenne. Qu’importe au surplus ? où l’esprit manque, le cieur sutllt. Elle sort rarement de sa boutique : tant de monde s’y donne rendez-vous, qu’elle a loiijoui s compagnie. Le dimanche, quand un beau soleil a séché les pavés, la fruitière , assise devant sa porte , tient salon dans la rue, "a l’ombre des hautes maisons el à la fraîcheur des homes-fontaines qui coulent en petits ruisseaux. Tout en disrouranl avec ses voisins, elle jette un regard de conqilaisance sur son jardin potager. Que d’autres courent à la barrière et se ruinent en danses et en plaisirs de loute SOI te ; ses jouissances ;i elle sont plus intimes. Trouver, découvrir une belle partie de légumes ; pouvoir exposer des prunes mieux colorées, des œufs plus gros, des choux |>lus massifs ; mettre devant sa porte, conmie une enseigne, quelque potiron TUduriuienlrl, i|ue l’on se montre du doigt, (huit on parle dans le quartier, et "a l’aspect duquel les curieux ébahis s’arrêtent avec respect : voilà sa joie, son (U’gueil, son Irioirrphe, ce qu’elle aime h voir et à entendre.

Paut-il (|u’urr si beau caractère ait ses taches et ses défauts 1 elle est jahuise : elle a le cu’ur de César, et ne vcrrt pas être la seconde dans sa rue. Les primeurs , <pr’une rivale parvient "a étaler quel(|ues jours avant elle, l’empêchcirt de doirnir’. Ces bouiirpres amlnrlantes de h’gurnes , ces pelits conriMoirs iirrprovisés sous les por tes (ochères et devant les allées, et ipri ne paarit ni loyer ni palerrie peuvent vendre à meilleur mai’ché, corrtristeot la fruitière ellni causent des déplaisirs morlels. lîlle iitcrinrine le commissaire de son quartier, les ageiris de police et laôsieiir le préfet de police liri-rirême , et darrs l’excès de la passion elle s écr ie : « Si j’élais gorrvernemenl ! ... »

Orr lui leproclie encore de se livrer’ immodérément :i l’iirlerpr étaliorr des sorrges , et de se cicmarrder’ chaque malin, ajnrs de longs efforts de mémoire : Ai-je rêvé chien, cli ;it ou poisson’^ — Ne rions pas Irop de celte faiblesse , nous (|iri frisons les esprits for ts. N’est-ce pas une récréatiorr irrrrocerrie , une source irriarissabie démolions ([iri ne coulent r ierr à persourre’ :* lierrreux qiri, arr ririlicrr des tristes l’éalités de la vie, sinquièle (l’un songe’ Il y a lir plus de boirhornie, plrrs de nar’velé , plirs di^ |ioi sic peirt-être qtre dans lout un poèiire. LIr bierr, oui : malgré detropnoiribi-euses déceptions , la fr uilière croit aux rêves. Ne lui parlez |ias, ne la (|uestionrrez pas ; gardez-vous surtout de rire devant elle, et de chercher a la lirer’ de cette hirnicur chagrine où elle semble se courpiaiie. Ce jour est urr jour lurreste. Ses frrrits se nroisiroirl : orr viorrdra lui éciraugcr’ iruc pièce fausse ; elle Iroirvera une pierre