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KIIl’ (>1 |ilait’f iiiiinàiiiilciiu’iit ;i()ics l’oiiitier, siii’ ct’lle liiiiiU’ iiiou’iiiu’ où se loiicoiilient leridioel le paiivio. lille a luules It’s i)iialilés de ré|iicier , cl n’a peiil-Otre aucun lie ses déf.iuls. Les piéleiitions de eelui-ci sont connues. Malgré son aie candide et débounaiie , inali,’ré son giade de sergent dans la garde nationale et sa casquette ol)Si’M|iii(nise , il ise à l’esprit et an lieau langage ; il exhale je ne sais (picl pai rmii colonial et ai istocraliiine. il est lier de son ciicuiijmtre qui domine deux rues , lier des grandes maisons qui l’honorent de leur piatique, et du comptoir d’ucajou dans le(|uel Irone superbement son cpinise. La fruitière ne connaît pas tout cet orgueil : sou comptoir , "a elle , c’est une simple table ; son trône , c’est une chaise (lc|)aillée ; ses prati<|ues, ce sont les bourgeois et les pauvres gens, lille ne lient ni liric.s ni n-(/i.vlics , et Ton n’.i jamais dit i|n’elle oui une cuinsc.

Les plus humbles enlrenl ramilierement chez elle. Llle end ut) peu cher, et sni fait souvent. Mais quoi I on ue lit pas sur son enseigne ces mots cabalistiques : ; ;ii.r /ire ; on a le droit , aujourd’hui si raie, de marchander avec elle , et où est le plaisir d’acheter quand on ne iiiarcliande pas’ ? Prenez-la à son premier mot ; elle sera tonle fàcliée et tonle honteuse. Chose reinai’(|ual)le ! ou voit fréquennueut des boucliers et des bunimujers , ces princes du commerce, con<lamncs pour vente "a faux poids. L’épicier lui-même, ce tvpe d’hoiinêtelé, subit (iueli|iiehiis la iioiite d’un jugement. La Gazelle des Tribunaux , (jui allaclie les délinquants au pilori de la publicité , n’a pas encore inscrit le nom de la fruitière dans ses uolounes vengeresses, l’.lie y brille par son absence.

A-t-on bien calculé jus<ju’où s’étendent ses relations, et quelle importance morale et couiuiercialeclle exerce dans un quai ticr’ ? Klle tient à tout , et lnul vient abonlir à elle. Sa boutique est un centre autour duquel s’établissent et se rangent les autres professions ; et , tandis <|ue l’épicier et le marchand de vin se carient aux deux extrémités de la rue, elle règne paisiblement au milieu. Les riches, qui envoient leurs |)(iurou’iirs aux halles et aux marchés, se passeionlde son voisinage, mais la classe pauvre et la bourgeoisie veulent l’avoir smis la main. Sans elle le quartier ue serait pas habiiable. Où trouveiait-ou les provisions du ménage, toutes ces mille petites nécessités de la vie, et les nouvelles de chaque jour, qui sont encore un besoin’ ? Comment déjeuneraient la grisetle, l’étudiant, l’artisan de tout étal et de toule profession , sans le morceau de fromage quotidien , sans les fruits et les noix qu’elle leur mesure ou leur compte d’une main vraiment libérable’ ? Le pol-au-feu des petits ménages pourrait-il se passer des carottes, des choux, des poireaux et des oignons qui relèvent si merveilleusement le goût de la viande , colorent le bouillon et lui donnent de la saveur ? L’habitant de Paris , qui ne connaît que sa ville, (|ui ne sait pas co :iimenl le blé pousse, quand se font la moisson et les vendanges, suit la marche des saisons en regardant la bi)uti<|ue de la fruitière. EWe lui rappelle ce qu’il eût sans doute lini par oublier, que, loin de ces rues boueuses , s’épanouissent de riants coteaux et des plaines verdoyantes. La nature parle a son cour de Parisien ; et si, |)ar un beau dimanche, il se délerniine ’a fiancliir la barrière, ces colonnes d’Hercule sur lesquelles les badauds croient lire : — In n’iras p :is plus loin ; s’il s’éiarle, et va parcourant les bois de Uelievillc , et les Prés Siinji-derrais ;