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ploimc dans iiiillt’ (ilu|>lcs orienlales ; elle esl en enfei ; elle esl au ciel ; ardiaii^e aux ailes d’or, piosliliiéc à l’aie ijinoldo ; elle esl loul, elle passe par toiiles leslialiiliides (le la vie : liiaiide daine, lioiir^eoise. inajeslé, diviuilé de la faille, cpie vonlr/-vous ?

Et cela sans que personne l’applaudisse, sans un Liallenienlde mains, sans 

la plus petite part dans l’adiuiralion aecordée au chef-d’œuvre. On voit le lahleao : que celle femme esl belle ! (|uel renard ! (|nelle main ! (pie d’inspirations véliéinenles dans celle lêle ! On porte l’arlisle aux nues, on le comble d"or et d’honueurs : il n’v a pas un rejiard pour la pauvre Jenny : or, c’esl Jenny ((uia faille lab !(iu ! Étraufie assemblage de beauté et de misère, d’i ;,’norance et d’art, d’intellifiencc el (i’apalliie ! l’roslilulion à part d’une belle personne (jui peut sortir chaste et sainle après avoir obéi en aveuyle aux caprices les plus bizarres ! C esl (pie l’art esl la grande excuse h toutes les actions au delà du vul ;;aire ; c’est (jue l’art purilie tout, même cet abandon (pi’une pauvre lille fail de son corps ; c’est (iiic l’ail est aussi favorisé que l’opérateur a (jui on livre le cadavre, sans repentir et sans remords ; c’esl qu’aussi Jenny était douce el modeste autant (flic jolie ; Jenny élait soumise h l’arlisle, aveuiiléiiienl soiiiiiise tant ipiil s’agissait de l’art ; mais là s’arrêtait sa vocation. L’arlisle redevenait-il un liomnie ! Jenny (juillail son lôle brillant, elle redescendail des hautes rcfçions où l’artiste l’availcomme placée à dessein, Jenuy redevenait unesimple femme pour se mieux défendre ; Jenny recouvrait de la bure ternie ses bras si blancs, elle lejelail sur son beau sein son pauvre mouchoir d’iiulieiine, elle rcnlrait sa jambe nue dans son bras iroué. On n’eûl pas respecté la reine ou la sainle : on respectait Jenny.

Ce (|u’esl (kneiiue Jenny ? vous voulez le savoir ! lille a parsemé nos temples de belles saintes qu’adorerait un proleslanl ; elle a peuplé nos boudoirs d’imafjes gracieuses qui fonl plaisir à voir, de ces lèles de femmes qu’une jeune femme enceinte regarde si avidement ; elle a donné son beau visage et ses belles mains aux tal)leaux d’hisloire ;sa bienveillante influence s’esl fail loiiiilcmps sentir dans l’alelierde nos artistes ; avoir Jenny dans son atelier, c était déjà un gage de succès. Jenny dédaignait l’art médiocre, elle s’enfuyait às’éclicvelerquand elle était appelée par nos modernes Raphaëls ; elle ne voulait confier sa jolie fignre (|u’an génie, elle n’avait foi qu’au génie. Ouand l’arlisle favorisé élait pauvre, Jenny lui faisait crédit bien volontiers." Aimable lille ! Elle a plus encourage l’art à elle seule que nos trois derniers ministres de l’inlérieur à eux trois ! Mais liélas ! l’art a (lerdu Jenny, perdu le chaiiuant modèle, perdu sans retour ; l’arl esl livré à lui-même sans vertu, sans pouvoir, sans avenir, sans fortune, sans idéal !

Ce qu’est devenue Jenny ? Elle est devenue ce que deviennent toujours les femmes très-jeunes et très-jolies, heureuse et riche ; elle est à présent ce que soiil loujouis les femmes très-bonnes, elle est Irès-aimée, très-respectée, très-fêtée, La grande dame a conservé son amour d’artiste, son dévouement d’artiste, elle est restée un artiste. Elle a quitté, il est vrai, ses pauvres habits, son simple foulard et sou châle de hasard : elle a chargé son cou de diamants ; les tissus de cachemire couvrenl ses épaules , sa robe est brodée, ses bas de soie sont encore ii jour, mais troués celle fois par le luxe et la coquetterie ; elle a des ganls de Venise pour cette main si blanche el