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LL M.UTIU ; D’iVrUDES. 555

l’our le niaitrc iretiules , le piovcrlje est faux : les jours se suivent et se lesseinlileut. Ce qu’il a fait hier , il le foia aujourd’liui ; ce qu’il fait aujoiirilliui, il le fera demain, a moins que le jeudi n’arrive. Oli ! ee jour-là il est heureux, dites-vous. ."en ciovez rien. Il maudit le jcuili à Tétial des aulros jours de la semaine, du diinanelie même, quand il est de garde. On lui [lerniet, il est vrai, de se promener pendant trois heures, mais il est tenu en laisse par une longue chaîne d’élèves, chaîne pesante dont il ne peut se déharrasscr, qu’il doit traîner pendant toute la promenade et ramener intacte au logis. Chai|ue «luinzaine pourtant revient |)Our lui un beau jour, un dimanche. Depuis le jeudi qui précède, vous l’entendez parler do son dimanche de sortie. Dieu seul peut savoir la quantité de projets qu’il forme pour ce jour fortuné : l’été, parties de campaune, piomenades sur l’eau , glaces ii l’ortoni ; l’hiver, déjeuner copieux, diner succulent, conquêtes, spectacle ; il a tout rêvé. Nous voilà au dimanche tant désiré ; il est liahillé dès le matin , il ue veut pas perdre une heure dosa journée. Jamais la messe, à laquelle il faut qu’il conduise les enfanls, ne lui a paru si longue ; il se rend coupable de nombreuses distractions pendant l’oflice. Fera-t-il beau’^ pleuvra-t-il’ ? Voilà ce qui l’occupe exclusivement, au ris(]ue de scandaliser ses élèves. EnDn il quille la pension ; dès huit heures il bat le i)avé : déjeuner, dîner, promenades en liberté, il réalise tout, tout jusqu’au spectacle. Mais au milieu d’une chansounctte d’Achard ou d’une tirade dramatique de Saint-Ernest ; mais au moment oîi le vaudeville dilate les poumons du pauvre maître <rctndes par ses saillies, où le drame inonde ses lacrymales i)ar ses effets les mieux calculés, il regarde à sa montre... Neuf heures et demie ! Adieu, vaudeville ! adieu , drame ! adieu Achard ou Saint-Ernest ! Il faut tout (luitter sous peine de coucher à la belle étoile et de perdre sa place. Le règlement de la pension et là : à dix heures les portes sont fermées à triple lour. Il lui faut abandonner le plaisir, cherchei’ à négocier sa contre-marque, et venir en courant présenter de nouveau sou cou au collier qui doit le serrer, jusqu’à l’expiration de la quinzaine qui va commencer.

Iji récompense de son exactitude à remplir ses agréables fondions, le maître d’éludés est nourri sainement et abondamment (style de prospectus) ; en outre, couclii’ sur un lit à estrade, chauffé au charbon de terre et éclairé aux quinquels. 11 touchi’ une somme mensuelle de 4 ou oO francs, que, sans pitié pour ses créanciers , il affecle à ses plaisirs de loules sortes, et qu’il consacre à embellir son existence pendant les deux jours par mois qui lui appartiennent.

Passer ses jours au milieu d’enfants qui l’obsèdenl, posé devant eux comme un mannequin habillé dont on se sert pour effrayer les oiseaux dans les jardins ; être un instrumenta faire faire silence, est-ce là une vie ? Le professeur se plaint ; mais au moins, lui, il communique son savoir , il travaille en instruisant ses élèves ; le répétiteur trouve des jouissances dans les succès de ses disciples ; ceux-là agissent, ils ont un but, une pensée ; le maître d’études n’a rien de tout cela : sa condition est passive, et si passive, que je m’étonne que les législateurs, en accumulant les peines dans leurs codes, en inOigeanl la délenlion, la prison, les galères, n’aienl pas admis comme pénalité les fondions de maître d’études à perpétuité. Je crois