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5.-)’. LE MAI ! Uli ; D’ÉTUDES.

cce, el mesurera sa vengeance sur l’ennui qu’il doit éprouver jusqu’au soir. Le voilii en cliaire !... Ce n’est plus un homme, ce n’est plus un simple raorlel, c’est un maître d’études. Gare à vous, jeunes étourdis, oiseau. babillards ; gaie ’a vous ! Pendant les deux lieures qui vont s’écouler il ne fera rien... que vous épier, que vous surveiller, que répéter le sempiternel Si/cHce.’accorapatîné du classique pcNs» ?». Yoii’a comment il passera ses deux heures, et nous ne le plaindrions pas ! Deux heures a l’affût, comme un braconnier, pour voir sortir furtivement une parole, pour surprendre un geste ! Mais écoutez , la cloche sonne, et quelle iuQuence la cloche n’a-telle pas sur la vie du maître d’études ’ ? Elle le fait agir , elle le domine. Sonue-l-elle le repas , il faut qu’il ait faim ; la récréation, il faut qu’il aille prendre l’air ; l’étude, il faut qu’il rentre ; le lever, il ne doit plus avoir envie de dormir ; le coucher, il faut qu’il se livre au sommeil. Fût-il tiès-éveillé, eûl-il la lète pleine d’idées, — chose rare ! — on ne lui laisse que celte alternative : dormir ou se livrer lises réflexions, car le dernier tintement s’est fait entendre, et toutes les lumières doivent être éteintes. Esclave d’une cloche, voilà sa destinée ! Mais cette fois elle sonne sa liberté. Libre jtendant. . . une heure et demie ! Oh ! durant ce temps , il est son maître , rien ne le retient, aucun pouvoir ne pèse sur lui , il secoue ses ailes , il prend sa volée. Persoime n’est l’a pour l’empêcher d’aller où bon lui semble ; Paris ou la banlieue, Versailles ou Saint-Germain, Corbeil ou !leluu , il peut tout visiter, il eu a le droit ; nul MO s’y oppose... pourvu qu’il ne dépasse pas le temps lixé, pourvu qu’à l’expiration de la bienheureuse heure et demie qu’on lui a donnée pour redevenir un liomme , il se retrouve :i son poste, ni plus tôt , ni plus tard, "a l’heure dite. C’est là de la liberté, de l’indépendance admirable ! Cependant, comme le bon sens lui suflit pour comprendre qu’une course lointaine l’entraînerait h un manque d’exactitude, il ne quitte point Paris. Que fait-il alors ? Le café lui ouvre ses portes, le journal ses colonnes ; il lit la politique du moment et apprend par cœur quelques-unes des réflexions du journaliste , pour s’en servir à l’occasion ; ou bien , si le maître d’études tourne à l’obésité, cas exceptionnel, si son médecin lui a ordonné de prendre de l’exercice, malheur ’a ses jambes ! pendant son heure et demie il parcourt toutes les rues de Paris, et fait eu sorte do rentrei’ en nage ’a la pension ; ou bien encore, s’il a dans le cœur un amour heureux ou malheureux , vous vous en apercevez ’a l’impatience avec laquelle il attend le signal de son indépendance, à la rapidité inconcevable avec laquelle il disparaît dès qu’il est enfin son maître. Il vole aux pieds de son inhumaine plus ou moins apprivoisée ; mais le temps , plus cruel que toutes les cruelles, le temps court sans pitié pour lui, et l’heure le surprend au milieu d’une protestation bien tendre ou d’une dispute bien vive, suivant le degré de sa passion. L’amoureux reste coi, s’airête, lialbutie, et remetau lendemain la lin de son dithyrambe ou de sa diatribe, car depuis un instant il n’est plus homme, il est redevenu maître d’études. Le voil’a de nouveau trônant dans sa prison scolaslique , en attendant qu’il passe de l’étude au réfectoire, du réfectoire à la récréation , de la récréation "a l’étude ; jusqu’à ce qu’enfin le dortoir vienne lui offrir le sommeil , et l’oubli de la vie régulière el monotone qui doit recommencer le lendemain.