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qiieliore ; il y a (]iiel(iiie cliose d’innocerU à faire avec la jeunesse et la beauté ; queli |ue chose d’innncenl h faire, eiilemls-lii bien ? avec Ion visage si frais, tesd()ig(s si tiéliés, (on port si noble, ta taille svelle, et ton pied arabe qui donne une forme cliarinanle à les mauvais souliers.

Viens dans mon atelier, belle Jenny, viens ; tiens-loi a distance. Tu n’as pas mémo il redontci- mon souffle. Pose-loi la, ma lille, sous ce rayon de soleil qui l enveloppe de sa blanclieur virginale. Oh ! sois muelleet calme, laisse-moi l’envelopper d’art et de poésie ; lu seras mon idole pour un jour, à moi peintre, .le vois déjà voltiger autour de la robe en guenilles les couleurs riantes, les formes légères, les ravissantes apparitions de mon voyage d’Italie, lieste là, reste, Jenny. sous mon pinceau, sur ma toile, dans mon âme, sous mou regard charmé ; que de métamorphoses tu vas subir ! Vierge sainte, on l’adore, les iiommes se prosternent à tes pieds ; jolie tille au doux sourire, les jeunes gens le rêvent et te font des vers. Sois plus grave, relève tes sourcils arqués, réprime ce soui ire ; je le fais reine, grande dame ; après quoi si tu veux poser ta tête sur la main, si tu veux mollement sourire, si lu veux l’abandonner à la poétique langueui’ d’une lille qui rêve, je fais de loi plus qu’une vierge, je le crée la luailresse de llapliaël ou de lîubens. Pauvre lille, c’est beaucoup plus que si je le faisais la maîtresse d’un roi.

Jenny, inépuisable Jenny ! qu’elle vienne, l’inspiration me saisit et m’oppresse, la lièvre de l’art est dans mes veines ; ma palette est chargée pêle-mêle, ma grossière palette en bois de chêne, ma brosse est à mes pieds, haletante comme le chien de chasse qu’on lienl en laisse. Viens, il est temps, Jenny ! El Jenny vient, docile comme l’imagination, docile et souple, cl prêle à loul, à tout ce que l’art a d’innoeenc

  • et de poésie, .llons. Jenny, pose-loi : je veux voir en loi une belle lille greclue,

comme celles que vil Apelles quand elles poscreut pour lu slalue de la déesse. Tu es belle ainsi, ma jolie Grecque, ma sévère beauté, mou Athénienne aux formes ravissantes ! Et si je veux changer ma beauté cosmopolite, ma beauté change ; la voilà liomaine. Romaine de l’empire, Itomaine comme les Komaines deJuvénal. Allons, Jenny, sors du festin, prêle l’oreille aux chants des buveurs, relis-moi l’ode d’Horace à Glycère, h Nééra ; sois belle et riche, étends-loi dans ta litière poitée par des esclaves gaulois ; lemplace les bagnes de I hiver par l’or de l’été. Mais avant tout, avant de représenter l’ivresse, as-tu déjeuné ce malin, Jenny’ ? Vous autres, vous ne vous ligurez pas ce que c’est qu’une |)auvre fille qui rêve tout éveillée, cl i|ui rêve pour vous ; vous ne vous imaginez pas tout ce (|n’il y a de péril el de difticidté dans celle position flxe d’une pauvre femme qui reste des heures entières immobile, muelle, arrêtée ; il faut qu’elle unisse la passion au calme, la colère au calme, l’ivresse au calme, l’amour au calme ! La plus grande des comédiennes, c’est une pauvre lille qui sert de moilèle, qui est comédienne lonl un jour, comédienne pour un homme tout seul, comédienne à huis clos, comédienne qui se drape avec une guenille, reine donl un foulard forme la couronne, danseuse dont un tablier iioii- fait la robe de bal, sainte martyre qui prie, les yeux levés au ciel, en clianlani une chanson de lîéranger. Pauvre, pauvre femme ! lille passe pai- Ions les extrêmes, selon le rapiice di’ Larliste : on la brûle, ou l’égorgé, on l’étouffé, on la met en croix, on la