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35(1 LA FEMMIi DK MliNAGIi.

etd’avanceises affaires ; son zèle esl louable, e(, bien que celte supeicheiie soi ! locouverte d’un lil dune enlièrc lilaiulieur, clic obtient en tout temps un succès iiilaillible. A peine levé, madame Cbarlemafîue vous peisécute de nouveau ; trausporté sur les hauteurs du premier Paris, ou égaré dans les riantes contrées du feuilleton , vous vous abaudouue/. au jilaisir de savourer à votre aise le journal, si ol)lif ;eainnient déposé près de vons, et soudaiu vous êtes interrompu par un « Monsieur, voici vos bottes, u qui vous précipite des régions étiiérées où vous avait emporté votre imagination dans la plus triviale réalité. Mais votre patience n’est pas il bout. Tout en allant et venant, en faisant le lit, en frottant le pai-quet, la femme de ménage a trouvé le moyen d’activer votre toilette, de gourmander votre lenteur, et bientôt le grand mot, le mot fatal est prononcé : « Ledéjeunerdemonsieur est servi, » Dans sa bouche, cette formule sacramentelle pouirait se traduire ainsi : « Il est neuf heures, vous ne serez jamais rendu h dix heures à votre bureau ; dépèchez-vous : je n’ai pas que votre ménage à faire ; il faut que je m’en aille. .Si vous ne vous dépéchez pas, je m’en vais, et vous vous servirez tout seul. »

ioT.. Ce déjeuner se compose invariablemeni de la lasse de lait de rigueur ou de la côtelette de fondation.

Une fois a table, vous ol)tenez (|uelques instants de répit : c’est l’heure de la causerie familière et conlidenlielle. Pour peu que vous le désiriez, appuyée sur un manche a balai, ce qui ajoute encore un charme nouveau au pittoresque de son récit, elle vous narrera pour la centième fois au moins les faits et gestes de sa chatte favorite ou les cures miraculeuses opérées dans sa maison par un cordonnier empirique qui possède un secret pour guérii’ la migraine. Car la femme de ménage a toujours élé la providence des charlatans et des marchands de vulnéraire ; elle possède une multitude de recettes pour faire cuire des œufs avec une seule feuille de papier, et pour couper la fièvre avec une pièce de cuivre rougie au feu. L)c plus, elle sait détacher les habits et fabriquer toutes sortes de boissons apocryphes, sous le titre inoffensif de tisane. C’est la panacée univeiselle que cette femme-la : à chaque inlirmité elle connaît un remède : et si quelque chose surpasse sa science, c’est son désir de se rendre utile.

Voici un trait dont j’ai, pour ainsi dire, été témoin. Je ne puis résister au plaisii de le raconter ; il peint d’une manière simple mais touchante jusqu’à quel point l’abnégation et le dévouement peuvent se rapprocher de l’héroïsnie. Du vieux garçon, caissier retraité d’une ancienne maison de banque, avait a son service depuis fort longtemps une pauvre femme dont la santé débile ne résistait qu’im|iarfaitenient a des travaux au-dessus de ses forces. Ces deux créatures, perdues au milieu de Paris, n’avaient jamais pu vivre en parfaite intelligence, malgré leur isolement presque complet. L’homme était irascible et bilieux ; quant a la femme, toute sa bonté naïve, toute son angélique douceur, ne pouvaient l’empêcher de se brouiller définitiveraent trois ou quatre fois par semaine avec ce vieillard emporté, rachitique et goutteux. Heureusement que, semblables a des pluies d’orage, ces (|uerelles étaient presque aussitôt dissipées, et tous deux recommençaient la guerre sni’ de nouveaux frais, après s’être juré une paix et une amilié éternelles.