Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée

52S LA FEMMI, )i MliNÂCK.

C’est surloiil ii la feiiiiiie de ménage ([iie ce proveihe est applicable. En effet, selon la règle à peu près invarialile des ménages populaiies dans lesquels la feranie joue un rôle actif, son mari ne fait rien ; je me trompe, il fait deux parts de sa vie : l’une se passe an caltaret, c’est-a-dire chez le marchand de vin, attendu qu’il n’y a plus de cabaret aujourd’hui ; l’autre, chez lui, a cuver son ivresse ou a battre sa femme. Toutes les femmes de ménage sont battues par leur uiari : il n’y a qu’une exception a cette règle, elle est en faveur des veuves.

Après tout, il ne faut pas croire que la femme de ménage en soit plus triste pour cela ; oh ! mon Dieu, non : il n’y a guère qu’elle seule qui soit dans le secret de ses misères ; sa vie est aussi claustralement fermée que son fichu, etpeut-ôtre n’aurais-je jamais pu vous apprendre un mot de tout ceci, si le hasard qui m’a favorisé ne m’avait fait rencDUlrer un joui’ sur mon passage celle dont je vous entretiendrai tout a l’heure.

Courageuse par état, patiente par tempéianienl, économe par nécessité, et sobre par inclination, la femme de ménage est sans contredit le plus précieux de tous les serviteurs. L’habitude de voir chaque jour de nouveaux visages a donné a sa |)hysionomie une excessive souplesse ; si le plus souvent elle conserve il ses traits cette teinte de tristesse qui les immobilise, c’est que l’indifférence la plus complète règne autour d’elle. Mais qu’elle veuille pour un instant ranimer le souriie éteint sur vos lèvres, vous rendre communicatif et conliant ; qu’elle essaie de dissiper le nuage amassé sur votre front, de disjoindre vos sourcils contractés, alors elle inventera des ruses prodigieuses pour vous arracher ;i vos préoccupations et vous distraire de vos ennuis ; elle se fera insinuante et persuasive pour vousattirer sur le terrain solide de son gros bon sens populaire. Ayant beaucoup vécu, elle a beaucoup vu, et, partant, beaucoup retenu. Son expéiience, augmentée de l’expérience des aulies, lui a fait une sorte de philosophie piatique propie ;i toutes les exigences de la vie, et qu’elle a malheureusement la bonhomie de vouloir appliquer a tout. En un mot, la femme de ménage, abstraction faite desesgiiefs individuels et de ses antipathies particulières, dont le nombre esl, au reste, fort restreint, la femme de ménage est ce que l’on peut appeler une bonne femme.

Levée avec le soleil, elle consacre ses piemiers soins à sa toilette ; ne faut-il pas qu’elle traverse tout un quartier, quelquefois plusieurs, pour se rendre "a son ménage du matin ? D’ailleurs, pour elle, la pr(qireté est plus qu’un luxe, plus (|n’un besoin, c’est un devoir. Comment lui con(ieiez-vous sans cela le soin de votre appartement, de vos habits et de vos meubles ? Elle le sait, et elle en profite. Sa toilette achevée, après avoir donné un coup de poing préalable au mince matelas de sa couchette, elle se prépare a sortir, non toutelois sairs adresser de fréquentes et vives rccomiuairdalions au seul être qui partage les misères de sa vie et les joies de sa solitude, au seul compagnon qui lui soit resté frdèle.

C’est une eri-eur pi-ofonde et malheureusement trop propagée qui a fait jusqu’à ce jour considérer le chat comme un animal malfaisant. Si le chien est l’ami de l’homme, le chat est l’ami de la femiue, de la femme de ménage surtout. Quarrd le veuvage a étendu ses voiles sur’ sa tète, la femme de ménage reporte sur son chat toute l’affection