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320 L’ECCLESIASTIQUE.

balle, le cerceau , la corde, les barres ; puis les échecs , le trictrac, le billard, pour ceux qui les préfèrent à des exercices plus vifs.

Ainsi, et longuement préparé à toutes les situations, à toutes les sollicitudes delà vie , il n’est en quelque sorte aucun mouvement de l’ordre social auquel le prêtre ne prenne part, et où il ne porte, avec l’inHuence salutaire de son exemple, la résignation, la dignité , la convenance de son ministère, et du caractère qui lui est propre.

En sortant du séminaire, devient-il preccpfearde l’enfant de quelque grande ou opulente maison, laquelle continue ou affecte les traditions aristocratiques ? Grave, mais affectueux avec son élève qu’il ne quitte jamais, c’est parle respect qu’il inspire à ce surveillant continuel et malicieux de toutes ses actions, que l’abbé finit par gagner une confiance et une amitié que son pupille , devenu homme et père, transmet plus tard à ses fils.

Placé, par la nature même de cet emploi, dans la double et difficile position de quasi-domesticité vis-à-vis du maître de la maison , et de supériorité mixte vis-à-vis des domestiques , tout à la fois , lui-même, maître et serviteur, on ne le voit jamais servile ou impérieux , hautain ou familier. S’il flatte c’est avec mesure ; s’il commande, c’est avec réserve. On ne peut accuser ni son humilité, ni son exifjence. El, enfin, après le voyage obligé en Suisse, en Italie, en Allemagne, quand l’éducation de son pupille est terminée, qu’il reste ou non le pensionnaire viager de l ;i famille, l’abbé n’en demeure pas moins , presque toujours , l’ami de la maison et le confident de tout le monde.

Dédaigneux ou effrayé désavantages et des difficultés du préceplflrat, a-t-il préféré se vouer sur-le-champ aux devoirs sacerdotaux, et, après l’ordination de Noël , son évèque l’a-t-il nommé prêtre habitué de quelque paroisse de grande ville, c’est là qu’il faut étudier avec admiration les labeurs et la résignation du prêtre français ! Admis au dixième ou au douzième dans le partage du produit volontaire des baptêmes et de quelques messes commémoratives ( les mariages et les services mortuaires devant être réservés aux vicaires et aux curés), c’est tout au plus si, dans ce casuel Irèsvariablè, il trouve de quoi pourvoir aux premiers besoins de la vie. S’il est abrité , c’est au haut de quelque maison décente, mais obscure ; s’il a quelques meubles , il n’a point de mobilier ; s’il est servi , c’est parce que quelque pieuse femme de mémige trouve dans sa propre charité une compensation suffisante à l’insuffisance du salaire qu’elle reçoit du prêtre.

Sera-t-il permis de dire : si ce n’était que cela ! si ce n’était encore que les visites aux malades , aux pauvres , aux prisonniers , là où les dégoûts naturels à l’humanité sont surmontés chez le prêtre par le sentiment du devoir, de la mansuétude évangélique et de la récompense céleste ! Mais qui pourrait justement apprécier les ennuis douloureux d’un esprit cultivé qui se trouve en contact obligé et continuel avec des enfants, des femmes, des hommes de la condition la plus inférieure, dont l’intelligence n’est en quelque sorte ouverte à aucune lumière, qui ne savent ni discerner, ni définir la portée de leurs actions journalières, qui ne savent pas même la valeur des mots qu’ils emploient, espèce de demi-sauvages qui n’offrent pas , en compensation