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318 L’ECCLÉSIASTIÛUE.

aussi souvent que la faveur ; plus de ces domaines agricoles qui fournissaient aux besoins du pauvre, et donnaient ; leurs propriétaires le droit naturel de siéger, comme les autres citoyens , dans les étals généraux de la nation ; plus , ou presque plus de ces modestes presbytères, habitations retirées , mais honorables, de l’humble curé et de sa servante canonique ; enfin, plus même de ces asiles garantis ii la vieillesse ou aux infirmités ecclésiastiques, puisque, ; l’exception d’un seul établissement fondé pour douze pauvres prêtres, par le plus illustre écrivain de nos jours, sous les noms vénérés de la plus auguste des filles de Bourbon , il n’existe en France aucune maison où puisse se retirer et mourir l’ecclésiastique sans ressources, que les travaux de l’Eglise ont mis hors de combat.

L’individualité du prêtre doit nécessairement se ressentir de la situation que des lois athées ou indifférentes ont créée pour le clergé. L’état social , ou plutôt légal, de l’ecclésiastique, ne commence qu’A la dignité de vicaire, par le salaire officiel qu’il reçoit en vertu du budget annuel. A partir de ce grade, son traitement est voté, comme celui du souverain et du garçon de bureau, à titre de fonctionnaire public ; et les vingt-huit millions environ que la loi de finances attribue aux trente mille lévites du royaume qu’elle daigne solder pour répondre aux besoins du culte, ne représentent pas 1000 francs de revenu pour chaque prêtre , et pas un prêtre pour chaque millier de chrétiens.

C’est donc en dehors du prêtre légalement rétribué , depuis le vicariat jusqu’A l’archevêché, que se trouve le plus grand nombre d’ecclésiastiques, dont l’existence dépend alors , ou des ressources qui leur sont personnelles , ou des produits de l’église qu’ils desservent , lesquels sont perçus et répartis par la fabrique ou congrégation de marguilliers , présidée par le curé de la paroisse.

Il résulte de cette condition générale et particulière du clergé de France , sous le rapport matériel , que le sacerdoce ne peut guère se recruter, sauf quelques exceptions , que dans les classes inférieures et dans des familles honorables , mais pauvres ; là où les privations domestiques, nécessairement imposées dès l’enfance, rendront plus tard moins rudes et moins sensibles toutes les autres privations d’un âge plus avancé, auxquelles le prêtre est condamné par la situation sociale que lui ont faite les lois philosophii /iics, et les mœurs publiques qui en ont été la conséquence. Il en résulte aussi que les vocations spontanées et libres qui se manifestent dans les sphères plus élevées de la société, maintenant dégagées de toute suspicion ambitieuse ou cupide, sont plus assurées , plus durables, plus imposantes, plus respectées.

L’Eglise actuelle , heureusement délivrée de ces abbés qui n’avaient d’ecclésiastique qu’un titre banal et un demi-costume, de ces abbés dont on voyait les statues coquettes dans les jardins de l’ancien régime, de ces abbés qui faisaient des tragédies, A moins qu’ils ne fissent des chansons ou des opéras - comiques , espèce de troupe déréglée, sans chef, sans solde, et qui , quoiqu’ils n’appartinssent pas plus au clergé militant que des corps francs A une armée régulière, n’en déshonoraient pas moins la milice sacrée dans l’esprit de l’ignorant et du vulgaire ; l’Eglise actuelle , débarrassée de membres parasites ou honteux, dispose de bonne heure les jeunes lévites